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L’indignation d’Augier fut portée à son paroxysme par une série de scandales qui éclatèrent à cette époque. On pourrait citer les noms de douze ou quinze aventurières qui parvinrent à se faire épouser et pénétrèrent dans des familles titrées, connues, respectées. Nous ne citerons pas ces noms qu’on pourra trouver ailleurs, car beaucoup d’entre eux sont aujourd’hui honorablement portés. Mais nous pouvons dire que plusieurs de ces courtisanes triomphantes sortaient du monde de la basse galanterie, et que telle ou telle comtesse, par exemple, n’avait fait qu’un saut du bal Mabille au faubourg Saint-Germain. Emile Augier en fut saisi d’une sainte colère. La colère, même lorsqu’elle est sainte, est un état qui met en bonnes dispositions pour frapper fort, mais moins pour frapper juste. Le Mariage d’Olympe s’en ressentit.

La pièce est en trois actes courts, véhéments, brutaux, secs comme coups de trique, oserais-je dire si cette comparaison pouvait être permise ici. Au premier acte, nous voyons Olympe Taverny, venue elle aussi du bal public et ayant réussi à se faire épouser par le comte de Puygiron, parvenir, de plus, à pénétrer dans la famille, noble à tous égards, de son mari. Au deuxième acte, elle se conduit comme une drôlesse, au troisième, comme un monstre, et l’oncle de son mari l’abat d’un coup de pistolet, comme une chienne enragée. La scélératesse d’Olympe rend ce meurtre cent fois excusable ; cependant le public siffla et la pièce tomba sous les huées. Cherchons pourquoi. Augier a traité ce sujet sans nuances, ni ménagements. Dès les premiers mots, il nous montre crânement où il va frapper, sans laisser ignorer que sa pièce sera une risposte à la Dame aux Camélias.

— Pour vous montrer d’un mot à quel point ces demoiselles ont pris droit de cité dans les mœurs publiques, le théâtre a pu les mettre en scène.

— Comment ! En plein théâtre, des femmes qui ?… Et le parterre supporte cela ?

— Très bien.

— Non seulement on les montre au théâtre, mais encore elles trouvent à se marier.

— Avec des chevaliers d’industrie ?

— Non pas, avec des fils de bonne maison.