Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 61.djvu/814

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
810
REVUE DES DEUX MONDES.

qu’en Orient plus que partout ailleurs, tout est une question de prestige, et que le prestige n’y repose que sur la puissance. Or nous avons commencé par faire au Levant figure de faibles, politiquement et militairement, et la comparaison avec les Anglais, que nous venions remplacer, n’a pas été à notre avantage : tout s’est résumé en une question d’effectifs, qui a pesé lourdement dès le premier jour sur notre œuvre, et n’a pas cessé de la dominer. Il est nécessaire de préciser ce point capital.


Le maréchal Allenby, commandant en chef les armées alliées du Levant, avait écrit, en 1919, dans un de ses rapports : « L’effectif dont je dispose serait insuffisant en cas d’un mouvement sérieux. » On sait quelles difficultés se sont présentées au cours de cette année. Or, dans une réunion tenue à Paris le 7 octobre 1919 sous la présidence du maréchal Foch, il avait été résolu d’envoyer au Levant l’équivalent des forces britanniques à y relever. Les Anglais avaient là-bas la valeur de cinq belles divisions et nous avons fait leur relève avec beaucoup moins d’une. Quelques chiffres seront encore plus éloquents que cette formule générale.

En novembre 1919, quand la relève s’est effectuée, les Anglais disposaient de 34 bataillons d’infanterie, 13 régiments et demi de cavalerie, 13 batteries d’artillerie et 5 bataillons et demi du génie ; le détachement français du Levant ne comprenait au même moment que 13 bataillons d’infanterie, 3 régiments de cavalerie, 4 batteries d’artillerie, et encore faut-il déduire des forces d’infanterie, 1 faible bataillon non confirmé de légion syrienne, et 3 de légion arménienne, formés au cours de la campagne, qu’il aurait été très désirable de pouvoir ne pas employer.

Au cours de la réunion précédemment mentionnée, le maréchal Foch avait fixé à 32 bataillons, 20 escadrons, et 14 batteries la dotation à réaliser pour permettre la relève des Anglais. Or, cette dotation ne put être réalisée approximativement que le 2 avril.

Il n’est pas question de faire ici l’historique détaillé de l’emploi de nos forces militaires en Syrie et en Cilicie. Il fallait indiquer seulement, dès l’abord, quelles difficultés il a entraînées, quelle virtuosité il a exigée dans leur usage de la part des états-majors et quel esprit de sacrifice de la part des combat-