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Puissances les initiatives hasardeuses du prétendu congrès syrien. Feyçal, fidèle à la tactique paternelle, comptait sur son habileté à opposer l’une à l’autre la France et l’Angleterre. Mais, à la fin d’avril, la conférence de San Remo, qui avait confié officiellement et définitivement à la France le mandat sur la Syrie, ne tarda pas à lui montrer qu’il avait fait fausse route, et qu’un accord parfait régnait entre les deux Puissances. Il en fut donc réduit à tenter de gagner par ses propres moyens la couronne placée sur sa tête.

L’été de 1920 l’a vu se préparer militairement contre nous en intensifiant le recrutement et recherchant de nouvelles ressources fiscales. Son effort politique se manifestait en même temps par une formidable pression exercée sur les populations, mais plus particulièrement sur celles de la zone Ouest, pour les amener à se détacher de la France et à rejeter la tutelle française.

Tous les moyens habituels furent mis en œuvre pour atteindre ce but : propagande ouverte, promesses, menaces, entraves apportées au ravitaillement. Mais les massacres de nos partisans et les pillages de leurs biens, organisés par des bandes soudoyées, armées, dirigées et protégées par les autorités chérifiennes étaient ce sur quoi elles comptaient le plus pour ruiner le prestige français. Depuis Alexandrette jusqu’à Tyr, des incidents d’une exceptionnelle gravité éclataient de toutes parts. Les villages chrétiens du Sahyoun et ceux du Djebel Ansarieh étaient mis à sac ; les populations chrétiennes de Tyr et de Merdj Ayoun étaient traquées et torturées avec des raffinements de cruauté inconnus des nations civilisées. Devant ce mouvement que nous demeurions impuissants à réprimer par suite de l’utilisation de tous les effectifs disponibles en Cilicie, un sentiment d’angoisse se répandit parmi nos amis les plus convaincus.

Exploité habilement par les agents chérifiens, cet état d’esprit conduisit certaines personnalités à écouter les suggestions venues de Damas et qui voulaient paraître tendre à réaliser l’union, tout au moins apparente et momentanée, des diverses races de Syrie, en les ralliant à Feyçal et en répudiant tout concours français.

L’affaire des conseillers administratifs du Liban fut un chef-d’œuvre de cette manière. Achetés par l’Émir, moyennant