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On nous affirme maintenant, de ce côté du détroit, que les Alliés sont d’accord pour prolonger, au besoin, les délais d’occupation, pour occuper même une nouvelle partie du territoire allemand, pour saisir les douanes, pour établir dans les territoires rhénans un régime douanier indépendant du Reich, pour fermer à l’Allemagne, jusqu’à nouvel ordre, la porte de la Société des Nations. Mais, de l’autre côté de la Manche, M. Lloyd George, si sympathiquement qu’il parle de la France, ne fait à toutes ces mesures de coercition que des allusions très voilées. En réalité, sur les sanctions, tout reste à préciser. Et de même, sur les dettes interalliées et sur les combinaisons de solidarité financière, que nous aurions dû régler avant de laisser amputer notre créance. Jusqu’ici, nous avons toujours donné, et nous n’avons rien reçu. Avant de ratifier définitivement les accords de Paris, formulons clairement les contre-parties qui nous sont nécessaires. M. Briand nous a présenté, comme fiche de consolation, un programme budgétaire qui consisterait à emprunter chez nous, pendant une dizaine d’années, douze ou quinze milliards. Mais on n’emprunte pas sans avoir des intérêts à payer et, comme l’ont montré MM. Klotz et de Lasteyrie, les intérêts de ces emprunts successifs dévoreraient une grande partie des paiements de l’Allemagne. Ce ne sont pas des opérations de cette sorte qui rétabliront nos finances. Il ne suffit pas qu’à Londres M. Briand « ne cède pas d’un millimètre ; » il faut qu’il fortifie la ligne où nous ont ramenés, malgré nous, les conférences de San-Remo, de Hythe, de Boulogne, de Spa et de Paris ?


RAYMOND POINCARE.

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