cherchaient cette chaîne, il appela le misérable et lui dit secrètement de s’en aller avec la chaîne et de ne plus reparaître devant lui, ajoutant : Tu m’as privé de te donner davantage. « Cette libéralité, ajoute le P. Christin, estoit en lui accompagnée d’une affabilité et courtoisie si très grande que jusques aux moindres, du plus bas estat que ce fut, estoient par lui courtoisement rescus et caressés, car, quant aux aultres, il estoit envers eux si cordial, que mesmes en ses plus griefves maladies, ne permettait que la porte fut fermée à aulcun, ordonnant davantage qu’on l’esveillat et interrompit son repos s’il avenoit que quelcung le vint assister, voir en ses plus aspres douleurs, craignant qu’ilz ne s’en allassent sans le voir et recevoir d’une amitié incomparable. » Ajoutez qu’il était très aumônier, et de la belle manière qui est secrète. Son maître d’hôtel ayant, sur son ordre, fait distribuer des matelas aux prisonniers qui dormaient sur la terre nue, mais, les ayant marqués de ses armoiries, il se fâcha, ne voulant pas que l’on affichât ainsi le donateur.
Un prince si bien doué devait être fort recherché des dames. Il le fut, et il en abusa de très bonne heure. Brantôme tient de lui-même sa méthode amoureuse : « Je lui ay ouï raconter, dit-il, plusieurs fois de ses advantures d’amour : mais il disoit que la plus propre recette, pour jouyr de ses amours estoit la hardiesse, et qui seroit bien hardy en sa première pointe infailliblement il emportoit la forteresse de sa dame ; et qu’il en avoit ainsi conquis de ceste façon plusieurs, et moitié à demi-force, et moitié en jouant. »[1] S’il était secret dans ses aumônes, il ne l’était point sur ses bonnes fortunes. La mode n’était pas alors au silence, mais quand le fut-elle ? La vanité des hommes a bien rarement su taire la liste de leurs victoires, et la crainte d’y figurer n’a point toujours suffi à retenir leurs victimes. La réputation galante de Nemours fut telle que la reine Elisabeth d’Angleterre désira de le connaître, et peut-être de l’épouser.
Le comte de Randan, qui se rendait en Écosse, traversant Londres, ayant été reçu par elle au passage, mit naturellement l’entretien sur le duc, sa grande préoccupation du moment. Randan, aussi expert aux bagatelles de la galanterie qu’aux armes, lui fit avec
- ↑ Brantôme, tome IX.