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détails sur les faits et gestes de d’Annunzio et sur l’état de ses forces. Le Gouvernement s’étant mis, dans les premiers temps, à publier des communiqués officiels sur la situation, le service de presse du poète dictateur y riposte par des contre-communiqués, qui paraissent en regard des premiers et en démentent généralement point par point les assertions. En face du gouvernement de Rome se dresse désormais un gouvernement rival, celui de Fiume ; en face du Comando Supremo un Comando autonome, celui de d’Annunzio. L’armée, et encore plus la marine, paraissent échapper en partie à l’autorité régulière. Fiume continue à y recruter des isolés et même des unités. Un conseil de la couronne, composé de tous les anciens présidents du Conseil et des chefs de groupes, est convoqué au Quirinal et s’y réunit le 25 septembre. M. Tittoni est revenu de Paris le 18. Un ample débat s’engage à la Chambre le 27. Le ministre des Affaires étrangères y expose la situation diplomatique, depuis A jusqu’à Z, l’état de la négociation adriatique, la position prise par M. Wilson, celle des Alliés. Mais l’intérêt, pour les députés, n’est plus dans les notes échangées entre les chancelleries ni dans les solutions qu’elles discutent : il est dans les passions mêmes que l’acte de d’Annunzio a portées à leur paroxysme, dans le chaos politique qu’il a créé. Le 28, après des discours de M. Nitti, du leader socialiste-officiel Turati, du démocrate patriote Raimondo, la séance se termine en pugilat. Le lendemain, le Gouvernement, maintenu au pouvoir par 60 voix de majorité, se hâte de dissoudre la Chambre et d’annoncer des élections générales.

Dans ces circonstances critiques, le gouvernement italien a rencontré, de la part de ses alliés et en particulier du gouvernement français, autant de bienveillance qu’il a pu en désirer. France, Angleterre et Etats-Unis ont aussitôt pris le parti de considérer l’événement comme une affaire intérieure italienne, un conflit entre le pouvoir constitué et des troupes en rupture de ban, et de laisser au Gouvernement royal le soin d’agir en conséquence. Cette sage et généreuse résolution a eu pour but de ne pas accroître les difficultés de l’Italie. Tous les contingents alliés ont donc été retirés de Fiume ; les bâtiments de guerre français et anglais en ont été éloignés. Les Fiumains et à leur suite les Italiens s’étant émus du maintien sur rade du cuirassé Condorcet, laissé pour protéger la base de l’armée