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28 février 1921
CHRONIQUE DE LA QUINZAINE [1]

M. Boyden, délégué des États-Unis à la Commission des réparations, a reçu du Gouvernement américain ses lettres de rappel et a pris congé de ses collègues, qui lui ont tous exprimé leur reconnaissance et leurs regrets. Il siégeait, depuis quelques mois, à la Commission, non pas du tout, comme certains journaux l’ont dit, à titre de simple observateur, mais en collaborateur actif et assidu. Les États-Unis n’ayant pas ratifié le Traité de Versailles avaient, sans doute, pris soin de déclarer que leur représentant ne pouvait avoir qu’un caractère officieux ; mais cette réserve était restée jusqu’ici purement théorique et, dans toutes les délibérations et dans tous les votes, M. Boyden avait exercé une réelle influence par la droiture de son jugement et par la clarté de son esprit. Dans la séance où M. Dubois, député de la Seine, président de la Commission, a exprimé au délégué américain l’espoir qu’il reviendrait bientôt à Paris avec un mandat officiel et permanent, il a été prononcé, de part et d’autre, des paroles qui méritent d’être recueillies. « Dans les conditions qui ont existé jusqu’à l’heure actuelle, a dit M. Boyden, mon Gouvernement n’a pas cru pouvoir coopérer avec les Puissances alliées à Bruxelles ou ailleurs pour l’élaboration de plans qui semblent entraîner une modification du Traité. » Sous sa forme prudente et enveloppée, cette phrase est bien significative. Les États-Unis, qui regardent les choses d’Europe à distance et qui en paraissent momentanément détachés, estiment, en juges impartiaux et désintéressés, que les programmes établis par les Alliés dans leurs dernières conférences, « semblent entraîner une modification du Traité. » Les Alliés n’ont pas cessé de prétendre le contraire ; mais la vérité est plus forte que leurs protestations réitérées. Chaque fois qu’ils ont touché au Traité, ils en ont déchiré un morceau.

  1. Copyright by Raymond Poincaré, 1921.