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Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 62.djvu/304

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ceux d’Athènes ? — oui et non, — j’ai fini par trouver et en quoi nuit ici le souvenir de là-bas.

C’est qu’il n’y a pas un antique découvert à la Renaissance, au siècle dernier, au commencement de celui-ci, qui ne soit restauré.

Pendant cinq siècles, il a paru tout simple, quand il ne manquait qu’un nez, une lèvre, un bras, de les refaire. C’étaient même souvent les maîtres de l’époque qui s’en chargeaient et, pénétrés de l’antique, possédant leur art, ils y allaient certes en toute sincérité, en toute probité artistique. Eh bien, n’importe ! Si infime que soit la retouche, toujours elle date : la lèvre refaite au XVIIe siècle est trop maniérée, au XVIIIe trop spirituelle, en 1825, trop sentimentale I Un rien, un trait, et ça ne va plus. A Athènes, il n’y a pas une retouche : c’est au spectateur à suppléer à ce qui manque et cela va bien mieux ; du moins y met-il ce qu’il veut et l’impression garde sa pureté.

La Victoire de Pœonios à Olympie, dont la face manque, est autrement suggestive et saisissante que les yeux en coulisse et les bouches romantiques de telle restauration de Naples.

Et puis, ce soir, j’ai revu ce que je voulais et je pars sans regrets. Ce grouillement d’une ville de 500 000 âmes dont on ne connaît pas une, laisse une horrible sensation d’isolement. Trouverai-je à Rome demain matin quelqu’un de mes amis d’autrefois, ou bien sont-ils tous absents, en cette saison estivale ? S’il en est ainsi, je m’en sauverai et j’irai n’importe où chercher quelqu’un à qui parler, un son de voix amie à écouter ; je commence à en avoir soif.


XIII


Rome, 21 juin, soir.

Ils sont tous ici ! Ah ! le bon accueil, les bons amis ! Dès le réveil, j’avais fait porter mes cartes chez les uns et les autres et sur-le-champ m’arrivaient un appel à dîner chez M. Behaine, pour demain chez mes chers Altieri, pour tous le repas libres chez L... et avec de si affectueux témoignage de la joie du revoir ! C’est le cœur dilaté que je suis sorti de l’hôtel pour aller retrouver les coins préférés de cette ville amie, en jouissant exquisement de sentir que, si beaux que soient à monuments, les pierres et le paysage, il y avait autre chose m’entourer que ces beautés muettes, mais aussi des foyers familiers