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Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 62.djvu/348

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Notre armée active vaut mieux que l’Allemande, notre réserve se fait, notre territoriale ne vaut rien. Les Allemands ne sont ni minés, ni en famine, ni démunis militairement ; on exagère beaucoup. Ils s’usent très lentement. Les chefs de la pensée se sentent perdus, l’armée croit toujours à la victoire. Sans facteur nouveau, ce sera long et dur d’en avoir raison. On a fait des gaffes nombreuses en Alsace, mais on s’applique à les corriger. Au fond le tact français s’en tire toujours aimablement...

Je me porte très bien. Un obus de 150 allemand n’a réussi qu’à me renverser...


J’ai voulu transcrire cette page d’une si poignante simplicité. Nous savons maintenant dans quelles dispositions Pierre Bucher a revêtu l’uniforme français.

Le service qu’il dirigeait, était établi à Rechésy, village situé à quatre kilomètres du front, au point où se rencontraient autrefois les trois frontières, suisse, française et allemande. C’était une annexe du service des renseignements de Belfort, lequel dépendait du G. Q. G. Dans l’été de 1915, Bucher développa et organisa le bureau qui fonctionna jusqu’à la fin de la guerre sous la même forme, avec les mêmes collaborateurs, tous officiers de complément. Son rôle essentiel était d’informer le G. Q. G. de l’opinion allemande sur tous les événements militaires, politiques et économiques. Une centaine de journaux et de revues lui parvenaient chaque jour ; ils étaient immédiatement lus, traduits, et, accompagnés de brèves synthèses, les principaux documents formaient la matière de Bulletins qui, chaque soir, étaient expédiées au G. Q. G.

Comment Bucher gouverna le temporel et le spirituel de la maison, comment il sut communiquer à ses compagnons, en même temps que son ardeur et sa foi, le goût d’un travail attentif et bien réglé, comment il les fit profiter de son expérience du germanisme, comment lui-même tirait des conclusions rapides et sûres des documents innombrables qui chaque jour passaient sous ses yeux, ceux qui l’ont vu à l’œuvre, jamais n’en perdront le souvenir. Il avait la passion de l’ordre et, malgré la haine implacable qu’il avait vouée à l’Allemagne, il ne cessait de louer sa faculté d’organisation. L’amour de la France ne l’empêchait pas de s’élever contre les incohérences et les improvisations.

A Rechésy, il continua cette manière d’apostolat grâce à laquelle