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Ils sont charmants, les musées d’Athènes. Ce ne sont pas nos bazars hétérogènes ; ce ne sont pas ces salades russes où s’entremêlent Flamands et Italiens, Primitifs et Modernes, au hasard de la cimaise et de la vitrine, et où l’on a tant de peine à retrouver les « amis » parmi la foule des indifférents. Ici, tout est grec, sorti du sol qui toujours livre du nouveau et chaque année ménage au voyageur une joie nouvelle. Des salles vides attendent les hôtes souterrains que demain une fouille ressuscitera. Et ils sont bien compris, avec de grandes salles claires, les choses bien arrangées, dans l’ordre chronologique : on n’a qu’à se laisser faire. Ce n’est pas la splendide abondance de Rome ; très peu de statues entières, mais aucune de celles de Rome ne vaut ces rares chefs-d’œuvre. C’est ici vraiment que se fait l’initiation grecque ; le Louvre et Rome y préparent, mais combien insuffisants ! Ici, où nul art étranger ne vient fausser et distraire l’œil, où nulle restauration n’est intervenue, l’impression se dégage dans son intégrité. Rien de tourmenté ni d’inquiet, — une note unique de force, de sérénité, de beauté reposée et consciente.

Nous recauserons sur photographies (car, si défavorables aux peintures, elles sont au contraire si propices aux sculptures !) de la belle série des stèles funéraires, et, surtout, n’est-ce pas, des fragments des Panathénées. Ces rares monceaux, ici chez eux, au pied même de la frise qui les portait, sous leur lumière, entourés d’amis, font plus douloureusement sentir l’absence de tous ceux que l’Europe a volés, « les prisonniers, » comme on dit ici des marbres de Londres. Pourquoi en 1921, pour le centenaire de l’indépendance, n’organiserait-on pas une « agitation » pour restituer à ce peuple et à ce-pays, désormais constitués, ce patrimoine incontestable ? Londres rendrait le Parthénon, Munich rendrait Egine et nous tant de fragments qui, dans nos caves et sous nos brumes, ont perdu la chair vivante que, réellement, ils ont tous ici.

Et, en redescendant au musée central, c’est la copieuse série des petites terres cuites, les innombrables Tanagra, tout ce petit peuple familier et vivant avec qui l’on passerait des heures, — plus loin les objets usuels de la vie grecque : sensation de Pompéi, avec un recul plus grand encore.

Et, avec un bien autre recul, voici les trésors de Mycènes, les bijoux d’or, les armes damasquinées, sur lesquelles se développent