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mauvais vouloir déloyal. En France, après 1871, l’homme d’État qui assuma la charge du pouvoir, M. Thiers, avec l’appui de la grande majorité de l’Assemblée nationale, prit pour programme l’exécution du traité, et il l’exécuta dans sa lettre sans obtenir la moindre concession. Un parti du traité, s’il venait à s’en constituer un en Allemagne, aurait plus de chances d’être écouté des Alliés et travaillerait efficacement à la pacification définitive de toute l’Europe. L’erreur des Alliés, après l’armistice, a été d’agir comme s’il n’y avait en Allemagne qu’une forme possible d’ordre et de réorganisation. Cette faute pèse sur toute leur politique ; elle pèse aussi sur la situation intérieure de l’Allemagne ; il est encore temps de faire quelque chose pour la réparer.

Au moment où les armées bolchévistes étaient devant Varsovie, la tentation fut forte pour les Allemands de déchirer les articles du traité qui affranchissent les parties de l’ancien territoire prussien peuplées de Polonais et qui, par là, séparent Kœnigsberg de Berlin et mettent la capitale du Reich à moins de 200 kilomètres de la frontière. On ne saurait trop répéter que la véritable marque de la défaite de l’Allemagne, c’est plus encore Posen aux Polonais que Strasbourg aux Français. Mais Poznan (Posen) veut être polonais, Strasbourg veut être français et les Allemands ont eux-mêmes reconnu à maintes reprises que le fondement du nouveau droit européen doit être le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, librement et sans contrainte. L’entrée dans la Société des Nations, — à qui il est, selon nous, regrettable que le traité ne donne pas des pouvoirs et des moyens d’action plus étendus et mieux adaptés aux devoirs qu’il lui impose, — n’est compatible qu’avec la pleine reconnaissance des principes du droit nouveau sanctionnée par des actes ; or, en vertu des traités qui terminent la Grande Guerre, un Etat reste hors du droit international, tant qu’il est hors de la Société des Nations. Les Allemands doivent savoir que la constitution d’une Pologne viable et indépendante de fait comme de droit met en cause toute l’exécution du traité ; M. Millerand, avec beaucoup de force et de clairvoyance, les a prévenus qu’en ce qui les concerne, ces articles ne resteraient pas lettre morte. Les Alliés peuvent agir sur le Rhin pour aider la Pologne. Son existence est pour eux une question de justice d’abord, et ensuite, pour la France et la Belgique surtout, une question de sécurité. Si nous n’avions pas, à l’Est de l’Allemagne, les éléments