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« M. Millerand a marqué tout le prix qu’il attachait au prompt règlement de la question de l’Adriatique par l’entente directe entre les intéressés envisagée par le gouvernement italien et de nature à sauvegarder les légitimes aspirations de l’Italie ainsi que tous les intérêts en cause afin d’établir entre les nationalités voisines un état politique propre à développer entre celles-ci des rapports d’intérêts et d’amitié. La France accueillera un tel accord avec une profonde sympathie et y donnera d’avance sa pleine adhésion. »

Les délais subis par la reprise des négociations directes donnèrent le temps de se produire à une autre circonstance digne d’être notée. D’Annunzio et le Conseil National de Fiume proclamèrent l’indépendance de la ville. Comme l’indépendance, et non pas l’annexion à l’Italie, était précisément ce que le gouvernement italien avait l’intention de demander, cette proclamation facilitait sa tâche. Elle le justifiait aux yeux des plus ardents nationalistes d’Italie de ne pas demander l’annexion. Malheureusement, d’Annunzio gâta une mesure judicieuse en y mettant son cachet personnel d’outrance et de fantaisie. Il institua, sous le nom de Régence Italienne du Quarnero, un Etat dont les frontières mal définies pouvaient être étendues ultérieurement par décision du gouvernement de la Régence. Il le dota d’une constitution, qui est plutôt la reconstitution archéologique et artistique d’une République italienne de l’époque de la Renaissance. Le gouvernement de Fiume se composa désormais d’un Conseil des Illustres, d’un Conseil des Recteurs, d’une Assemblée dénommée Arengo. Encore les dénominations eussent-elles importé peu, si cette savante restitution du passé avait été pratique, et surtout si l’on avait su avec précision à quel territoire devait s’étendre la juridiction du gouvernement de la Régence. Mais ce point restait dans le vague.

En octobre, le comte Sforza acheva d’arrêter avec M. Giolitti, qui villégiaturait à Cavour, tous les articles du programme à présenter aux Yougo-Slaves. L’amiral Millo, gouverneur de la Dalmatie, fut mandé de Zara à Rome pour s’entendre avec le Gouvernement. Le général Caviglia, commandant l’armée de la zone d’armistice, vint également s’entretenir avec les ministres. Dans les deux hypothèses du succès comme de l’échec des négociations, il convenait de coordonner d’avance l’action militaire avec l’action diplomatique. Les chefs de l’armée et de la marine