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Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 62.djvu/703

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de l’annexe ces mots qui donnaient au Reich un avantage inappréciable : « Le droit de suffrage sera accordé à toutes personnes, sans distinction de sexe, satisfaisant aux conditions suivantes : a) avoir vingt ans révolus au 1er janvier de l’année dans laquelle aura lieu le plébiscite ; b) être né dans la zone soumise au plébiscite ou y avoir son domicile depuis une date à fixer par la Commission. » Ce texte autorisait les Prussiens, fils de Prussiens et nés en Haute-Silésie de fonctionnaires de passage, à se prononcer sur le sort d’une région qu’ils avaient, depuis longtemps, quittée sans esprit de retour et c’est ainsi, en effet, que près de deux cent mille émigrés sont venus, en bataillons compacts, prendre part au plébiscite. Ils ont été les ouvriers les plus cyniques de la pression allemande. La Conférence de Londres a elle-même doublé leurs moyens d’action en revenant sur la décision prise par MM. Leygues et Lloyd George et en acceptant que le vote des émigrés eût lieu le 20 mars, jour du plébiscite général. Nous récoltons aujourd’hui ce que nous avons semé. Les résultats du scrutin ne justifient assurément pas les manifestations berlinoises, discours triomphants, drapeaux et pétards ; mais ils ne correspondent pas exactement à la répartition ethnographique, et ils donnent, dans l’ensemble, à l’Allemagne une majorité qu’elle n’aurait pas obtenue d’une consultation plus libre et plus sincère. Il n’en reste pas moins que, si l’Allemagne a eu le plus grand nombre des voix dans sept districts, neuf districts se sont déclarés pour la Pologne ; que plus des quatre cinquièmes des communes ont exprimé la volonté d’être Polonaises et que, si les Allemands l’ont emporté dans le Nord et à l’Ouest, toute la région industrielle du Sud a nettement pris parti contre eux. Lorsque les détails du vote ont été connus à Berlin, les cris de rage ont succédé aux cris de joie. Et tous les journaux ont réclamé soit qu’il ne fût tenu aucun compte du vote, là où il n’avait pas été favorable à l’Allemagne, soit que la Haute-Silésie fût considérée comme indivisible et fût, par conséquent, tout entière incorporée dans le Reich.

Cette dernière thèse est en contradiction flagrante avec le paragraphe 5 de l’annexe, qui prévoit qu’à la clôture du vote, la Commission interalliée devra communiquer aux Puissances alliées le chiffre des suffrages, commune par commune, et proposer elle-même le tracé de la frontière, en tenant compte, est-il dit, du vœu exprimé par les habitants, ainsi que de la situation géographique et économique des localités. L’Allemagne n’a pas seulement, en juin 1919, adhéré à cette disposition ; c’est elle qui l’a arrachée alors à la condescendance