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Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 62.djvu/804

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soldats. Ceux-ci, dès le lendemain malin, proclamaient la dictature du prolétariat hongrois. Aussitôt Kunfi et Kéri, quittant la réunion, se rendirent chez Karolyi pour lui porter cette nouvelle et lui demander sa démission. Mais au moment de quitter ce pouvoir qu’il avait tant désiré, l’ambitieux Magnat hésitait. Kunfi craignit même un instant qu’il se rendit au Conseil pour faire revenir les Soviets sur la décision qu’ils avaient prise. Alors, de son ton péremptoire Kéri lui représenta que la ville tout entière était acquise au bolchévisme et qu’il devait quitter la place. On croit entendre son discours, ses phrases favorites : « C’est un fait établi... Toute l’Histoire nous enseigne... » Et quel plaisir pour un Kéri d’humilier le grand seigneur dont, hier encore, il quémandait les prébendes ! Étourdi sinon convaincu, Karolyi finit par dire : « Soit, faites ce que vous voudrez ! » Les deux hommes passèrent dans la pièce voisine et rédigèrent la proclamation qui suit :


« Au peuple hongrois,

« Le gouvernement a démissionné. Ceux qui jusqu’ici ont gouverné par la volonté du peuple et avec l’appui du prolétariat, se rendent compte que la force des événements réclame une nouvelle ligne de conduite. La production ne peut être assurée que si le prolétariat prend le pouvoir. Non seulement l’anarchie économique est critique, mais la situation extérieure l’est également. La Conférence de la paix de Paris a pris en secret la décision d’occuper militairement la presque totalité du territoire hongrois. La mission militaire interalliée a déclaré [1] qu’à partir d’aujourd’hui la ligne de démarcation devait être considérée comme une frontière politique. Le but évident d’une nouvelle occupation du pays est de faire du pays une base d’opération et de marche en avant contre l’armée des Soviets russes qui combat à la frontière roumaine. Le territoire qui nous est dérobé doit être le salaire des troupes roumaines et tchèques, avec lesquelles on veut abattre l’armée des Soviets.

Moi, Président provisoire de la République populaire hongroise, en face de cette décision de la Conférence de Paris, je

  1. Cette assertion était fausse. Elle fut démentie catégoriquement par le colonel Vix.