lui un démocrate. Jusqu’ici, il n’était guère sorti de sa Revue, qui demeurait son univers, il n’avait jamais fait œuvre de « mondain, » les relations qu’il entretenait avec les auteurs, ou ses rapports politiques avec les hommes de gouvernement, n’intéressaient que la Revue. Mais voici qu’à cette époque, il entre en contact avec ses voisins, et qu’il pénètre, en devenant « propriétaire terrien, » dans la société savoisienne qui l’environne. Alors ce qu’il voit le révolte, l’exaspère : les mœurs, la fausse bienséance, l’étroitesse d’idées… et encore la façon dont « les hobereaux » traitent les paysans ! Cela surtout le met hors de lui… c’est à George qu’il confie son indignation, et c’est elle qu’il charge de punir ces retardataires, profiteurs et fourbes. La silhouette du père La Quintinie, elle l’a esquissée d’après les indications du directeur de la Revue, et le vieux monsieur est purement odieux, d’une religion intolérante, autoritaire et puéril à la fois.
George Sand écrivit en 1863, — l’année de La Quintinie, — un article sur les Charmettes : Nouvelles réflexions sur J.-J. Rousseau et les Charmettes. Un mois avant que l’article parût dans la Revue, F. Buloz discutait avec elle, et lui reprochait certaines erreurs : « Vous commettez à propos de Mme Warens une lacune, » lui disait-il. Ces mœurs ne sont pas uniquement des mœurs du XVIIIe siècle, plusieurs amours à la fois ne sont pas chose rare chez les hobereaux de certains pays ; » il remarque qu’ils sont, ces hobereaux, « à demi civilisés comme les Russes, et qu’ils se servent du peu qu’ils savent pour tout se permettre. » « Ici, dit-il encore, avant nous (à Ronjoux) il y avait une femme qui ne se permettait pas moins que Mme de Warens aux Charmettes… »[1]
Cette simple ligne d’une lettre de F. Buloz, trouvée à la bibliothèque de Lovenjoul, me remit en mémoire certaines allusions de ma pieuse grand’mère, certains chuchotements que
- ↑ George avait écrit : « Ceci d’ailleurs se passait (l’aventure de Rousseau, de Claude Anet et de Mme de Warens) à l’époque la plus corrompue qui fut jamais ; » et aussi : « et comme la véritable affection de ces deux hommes l’un pour l’autre est un hommage rendu à Mme de Warens elle-même, à ce qu’il y avait en elle de vertus viriles, puisque son impudeur ne la leur rendait ni moins chère ni moins respectable, etc. » F. Buloz relève la première observation, — il ne dit rien de la seconde… ; en la lisant, on ne peut s’empêcher de croire que George songeait à ses propres vertus viriles, et aussi à Venise, à l’affection de Pagello pour Musset. — Comment n’y aurait-elle pas songé ?