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les archives qu’on lui ouvre, aidé de Charpentier et de Cherré, lequel lui communique même des documents particuliers lui appartenant ; Aubéry publiera son livre en 1660 et en annexe, deux volumes in-folio de pièces copiées par lui aux archives de Rueil. Or, consacrant un chapitre de son histoire aux œuvres de Richelieu, il cite tout ce qu’il connaît : il va jusqu’à parler d’un Traité des métaux en latin, aujourd’hui perdu, qu’aurait rédigé le cardinal, et lui qui travaille au milieu des papiers de Richelieu, lui qui est aidé par les anciens secrétaires du ministre, avec l’assentiment de la duchesse d’Aiguillon, laquelle s’intéresse à son œuvre et la suit, il ignore totalement que Richelieu ait écrit ses Mémoires ! Ce silence est surprenant.

Il est non moins surprenant que, dans tous les éloges de Richelieu que, suivant l’usage, les membres de l’Académie française, au XVIIe siècle, devaient faire de leur fondateur en prononçant leur discours de réception, et où sont souvent énumérées les œuvres du cardinal, jamais il ne soit fait mention des Mémoires. Les académiciens ne savent rien de l’existence des Mémoires.

En 1688 paraît le Testament politique de Richelieu. Ce document donne lieu à une polémique très vive, qui se poursuivra longtemps et reprendra au XVIIIe siècle. Comment s’expliquer qu’au cours de ces discussions infinies personne ne fasse jamais allusion aux Mémoires, alors que la discussion de leur authenticité serait peut-être aussi intéressante, sinon plus, que celle du Testament ? Évidemment personne ne les connaît et n’en a entendu parler.

Nous ne pouvons entrer dans tous les détails d’une investigation qui a été conduite à travers les publications de critique ou d’histoire du XVIIe et du XVIIIe siècle, afin de retrouver la moindre trace de l’existence des Mémoires de Richelieu. Il ne résulte de cette investigation que des conclusions négatives. Au XVIIe siècle comme dans la première moitié du XVIIIe, personne n’a su que Richelieu ait écrit des Mémoires. Lorsqu’en 1710 le marquis de Torcy classe au ministère des Affaires étrangères les archives du cardinal que vient de lui transmettre la famille, et parmi lesquelles se trouve le manuscrit des Mémoires, lequel est anonyme, il fait relier ceux-ci et met simplement au dos : Histoire du cardinal de Richelieu. Il ignore