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sous le costume juif, on ignorait qui ils étaient : mais nous les avons reconnus. » Le lendemain matin, nouvelle visite à S. Edris, l’entretien devient tout à fait intime : après ce qu’il nous a dit hier, s’engagerait-il, dans une lettre au ministre de France, à accueillir et protéger tout Français dans sa ville ? Volontiers, dit-il, et il est prêt à faire une visite au même fonctionnaire, pour l’assurer de sa bonne volonté envers la France.

« Le même jour, nous sommes appelés chez Sidi Ben Daoud ; on nous introduit dans une belle salle, où sept ou huit marabouts de la famille du Sid sont assis autour de lui, sur des tapis. On nous fait asseoir, et de petites négresses de huit à dix ans nous apportent des tasses de thé et des « Palmers. » Lorsque nous avons joui, pendant une demi-heure, de la vue du « saint, » on nous congédie avec des paroles bienveillantes, et lui-même nous dit : « Que Dieu vous aide ! » En sortant, nous sommes rejoints par S. Omar qui nous entraîne dans sa demeure : c’est lui, dit-il, qui nous a fait demander chez son père, dans la pensée que cette visite nous distrairait. Il m’interrogea sur l’astronomie ; les Juifs lui ont rapporté que j’étais grand astronome ; je passe, paraît-il, mes nuits à regarder les étoiles. — Ainsi les Israélites continuent à m’espionner pour le compte des Musulmans. — Le 16, Sidi Edris me fait chercher de bonne heure ; il me remet d’abord deux lettres recommandant Mardochée et moi aux Juifs de Qaçba Tâdla et à ceux de Qaçba Béni Mellal ; signées des rabbins de Bou el Djad, elles n’ont point été écrites de bonne volonté : S. Edris a fait venir « les rabbins chez lui, et leur a enjoint de signer les lettres sous ses yeux. S. Edris me donne ensuite un mot de recommandation pour un de ses amis qui habite Bezzou, lieu où j’irai plus tard. Enfin il compose sa lettre au ministre de France ; il me la lit avant de la fermer ; elle est conçue à peu près en ces termes : « A l’ambassadeur du gouvernement français : Je t’apprends que deux hommes de ton pays sont venus auprès de moi, et que, pour l’amour de toi, je leur ai fait le meilleur accueil, et les ai conduits où ils ont voulu : je recevrai de même tous ceux qui viendront de ta part ; les porteurs de cette lettre te donneront des informations plus complètes. Si tu veux me voir, fais-le-moi savoir par le Consul de France à Dar Beïda, je me rendrai aussitôt à Tanger. » S. Edris signe cet écrit, le plie, le cacheté de son sceau, et me le confie en me recommandant le secret et la prudence : c’est