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il y est l’objet de la plus vive curiosité : « Tous les Hadjs, familiers avec les choses et les gens des pays lointains, voulurent me voir. Une fois de plus, je reconnus les excellents effets du pèlerinage de la Mecque. Pour le seul fait que je venais d’Algérie, où ils avaient été bien reçus, tous me firent le meilleur accueil. Plusieurs, — je le sus depuis, — se doutèrent que j’étais chrétien ; ils n’en dirent mot, comprenant mieux que moi peut-être les dangers où leurs discours pourraient me jeter. L’un d’entre eux, le Hadj bou Rhim, devint dans la suite, pour moi, un véritable ami, me rendit les services les plus signalés, et me sauva des plus grands périls. » De grandes excursions dans le Sud, à Tatta, au Mader et à Aqqà, remplissent le mois suivant.

Revenu de ces deux explorations, Foucauld songe à regagner l’Algérie, en traversant, à rebours, ce Rif inhospitalier dont l’accès, par l’Ouest, lui a été, au départ, interdit. Il ne peut entreprendre une pareille aventure sans de puissantes protections, et, une fois de plus, il descend vers le Sud, pour aller rendre visite à un personnage de marque, Sidi Abd Allah, qui habite à Mrimima. Celui-ci fournirait sans doute les guides nécessaires.

Mais, à peine l’étranger est-il entré dans une des maisons de Sidi Abd Allah, que le bruit se répand qu’il est chrétien et chargé d’or. Aussitôt, deux bandes de pillards s’embusquent dans la montagne, et se mettent à guetter le passage de cette proie excellente et facile. Foucauld est gardé à vue par les fils de son hôte. Dans ce danger, il écrit une lettre à son ami le Hadj Bou Rhim, et la confie à un mendiant. « Le lendemain, à 7 heures du matin, grand mouvement dans le village. Une troupe de vingt-cinq fantassins et deux cavaliers y arrive tout à coup, et entre droit dans la cour. C’est le Hadj qui vient me prendre. Il a reçu mon billet cette nuit. Il s’est levé aussitôt, a couru chez ses frères et ses parents ; chacun s’est armé et l’a rejoint avec ses serviteurs ; ils se sont mis en marche, et les voici. » Une demi-heure après, délivré, il quittait Mrimima. Mais les exigences et les vols successifs dont il avait été victime, avaient tellement diminué ses ressources que, rentré à Tisint, et ayant fait ses comptes, il reconnut qu’il lui était impossible d’entreprendre le voyage de retour sans renouveler sa provision d’argent. La ville la plus proche où il y eût des Européens était Mogador, au Nord-Ouest, sur la côte de l’Atlantique ; c’est là qu’il fallait aller ; Foucauld confie son projet à son ami le Hadj :