l’erreur est parfois reconnue, il est impossible de la réparer : le prestige du pouvoir ne le permet pas. Le nouveau Gouvernement, dont la tâche est de vaincre l’Allemagne, se rendra bientôt compte qu’il est encore plus difficile de vaincre les fonctionnaires... Aux heures graves que nous traversons, il faut que cela finisse. Le pays s’épuise en sacrifices. Nous, ses représentants, nous faisons aussi beaucoup de sacrifices ; nous ajournons beaucoup de nos réclamations, nous refrénons toutes nos colères. Oubliant nos rancunes et nos haines légitimes, nous donnons notre concours à tout ce que nous combattions naguère. Nous avons donc le droit d’exiger que le Gouvernement agisse de même et qu’il se mette au-dessus de toutes les considérations de parti ou de coterie, pour n’avoir plus qu’une seule devise : The right men in the right places ! »
La droite, très gênée, mais patriote, somme toute, et forcée de reconnaître que les vices du fonctionnarisme perdent la Russie, se prononce, comme la majorité, pour la création d’un Comité des munitions.
Désormais, le duel est engagé entre la caste bureaucratique et la représentation nationale. Se réconcilieront-elles, dans une vue, haute de l’intérêt commun ?... Tout l’avenir de la Russie en dépend...
Mercredi, 18 août 1915.
Cette nuit, après une attaque de vive force, les Allemands sont entrés à Kowno.
Au confluent de la Vistule et du Bug, ils ont pris d’assaut les forts avancés du Nowo-Georgiewsk.
Plus au Sud, ils approchent de Brest-Litowsk.
La prise de Kowno produit, dans les couloirs de la Douma, une émotion violente. On accuse l’impéritie du Grand-Duc Nicolas ; on dénonce la trahison du parti allemand.
Jeudi, 19 août 1915.
Sazonow a, ce matin, ses yeux fébriles et son teint blême des mauvais jours :
— Ecoutez, me dit-il, ce que j’apprends de Sofia. Je n’en suis d’ailleurs nullement surpris.