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Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 63.djvu/183

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Le 21 décembre, à Fontainebleau, vêtu d’ « une robe de deuil avec le chaperon en forme, la queue de la robe traînante de cinq aunes, » ayant autour de lui les gardes du corps et vingt des Cent-Suisses de la garde, le prince de Conti, qui représentait le Roi, donna l’eau bénite. Il accompagna le corps du défunt à Vallery, sépulture de la maison de Condé. Le 24, il se rendit avec « Monsieur le Prince d’aujourd’hui » (le Duc d’Enghien), à l’église des Jésuites, rue Saint-Antoine, pour recevoir le cœur apporté de Fontainebleau par l’évêque d’Autun dans un vase de vermeil. Le 10 mars 1687, il assista à la cérémonie de Notre-Dame, « la plus belle, la plus magnifique, la plus triomphante pompe funèbre qui ait jamais été faite, depuis qu’il y a des mortels. »

Au milieu de la grandiose cérémonie, Bossuet, du haut de la chaire, s’adressa directement à Conti assis en face de lui avec ses cousins en long manteau de deuil : « Je ne vous oublierai pas, ô prince ! son cher neveu, et comme son second fils, ni le glorieux témoignage qu’il a rendu constamment à votre mérite, ni ses tendres empressements, et la lettre qu’il écrivit en mourant, pour vous rétablir dans les bonnes grâces du Roi, le plus cher objet de vos vœux ; ni tant de belles qualités qui vous ont fait juger digne d’avoir si vivement occupé les dernières heures d’une si belle vie. » Passage émouvant d’un des plus sublimes chefs-d’œuvre de toutes les littératures, mais qui ne suffit pas pour dissiper la mauvaise impression d’un public de cour choqué de ce que l’oraison funèbre avait osé comparer Turenne, un simple particulier, à Condé, le premier prince du sang. « Elle n’a fait honneur ni au mort, ni à l’orateur, » disait Mme de Sévigné.

Terminons sur cette injuste parole ce chapitre assombri par la disgrâce et les deuils. Des scènes joyeuses se préparent. Aux oraisons funèbres succèdent les épithalames : le prince de Conti va se marier.


LE MARIAGE

Pendant l’été de 1685, Pedro de Bragance, roi de Portugal, veuf, depuis le 27 décembre 1683, d’Isabelle de Savoie-Nemours, avait plusieurs incommodités, quelques ulcères survenus en divers endroits de sa personne, et, sur l’œil, voilé