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Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 63.djvu/189

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La fête, qui suivit la représentation, valait mieux que l’épithalame. Lorsque le chœur eut répété les deux derniers vers de M. de La Chapelle :


Vivez, heureux époux, pour le bonheur du monde,
Donnez-lui des héros qui soient dignes de vous,


Monseigneur se leva. Il traversa « l’appartement haut, » dont cette fois on avait allumé toutes les bougies, car la nuit était venue, descendit à « l’appartement bas ; » et chacun admira la galerie, le salon, et, non loin de deux petites pièces destinées aux joueurs, un cabinet « tout garni de glaces, de sorte qu’on n’y voyait que des glaces, de la peinture et de l’or. »

Ce rez-de-chaussée était, suivant l’expression à la mode parmi les gazetiers, éclairé d’une manière « aussi galante qu’extraordinaire. » Dans le salon carré où Monseigneur soupa avec les dames, entre son propre portrait et celui du Roi, à une table de vingt-quatre couverts ; dans la longue salle voisine que décorait, à l’un de ses bouts, le buste du Grand Condé, et, au milieu de laquelle deux autres tables étaient servies pour les trente-six autres convives, il y avait, outre les chandeliers et les lustres, des orangers lumineux. Leurs caisses se dissimulaient sous de la toile d’argent, la terre sous des amoncellements de fleurs, et ils portaient à leurs sommets des girandoles de cristal.

A travers les fenêtres, au fond du jardin illuminé, et vis-à-vis la porte de la maison, on en apercevait encore, entremêlés de girandoles et réunis en demi-cercle par des cordons de feu. Une énorme pyramide de flammes finissait en fleur de lys étincelante. Les bords du bassin formant le centre du parterre brillaient de mille feux ; de mille feux aussi le dessous des arbres, et, plus haut que les feuillages, par delà la rue Guénégaud, les façades des maisons.

« Monseigneur, dit le Mercure, s’en retourna à Versailles, après avoir témoigné toute la satisfaction possible d’un régal si complet. »


La fête est modeste pourtant, si on la compare à celle que donna Monsieur le Prince à l’occasion du mariage de sa fille, et à laquelle il pria Monseigneur ; elle dura huit jours, huit jours d’éblouissantes féeries, qui coûtèrent cent cinquante-deux mille sept cent quatre-vingt-trois livres.