Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 63.djvu/209

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
REVUE-DRAMATIQUE


Théâtre des Arts : La Comédie du génie, pièce en trois actes de M. François de Curel. — Comédie-Française : Mme Simone dans le Passé.


Cette Comédie du génie, à laquelle le public a fait grise mine, j’y ai pris un plaisir extrême. Il se peut, — s’il faut chercher à son insuccès une autre cause que la faiblesse d’une interprétation au-dessous du médiocre, — qu’elle ne soit pas des mieux charpentées. Il faut dire aussi qu’elle est totalement dépourvue de ce qu’on a coutume d’appeler une intrigue. Mais elle est pleine d’inventions curieuses, et les pensées fines ou profondes, les morceaux de belle allure s’y rencontrent à chaque pas, comme on pouvait s’y attendre dans un sujet plus qu’aucun autre familier à M. de Curel.

La psychologie de l’auteur dramatique analysée par l’auteur des Fossiles et de la Nouvelle Idole, ce ne pouvait être rien de banal. Exceptionnels, singuliers, bizarres, violents, excessifs, les personnages de M. de Curel ont tous les défauts ; mais ils ont une qualité : ils vivent. Ils débordent de vie. Ils nous étonnent, ils nous révoltent, et ils nous empoignent. L’auteur dramatique que M. de Curel mettra en scène ne sera ni le portrait d’un individu, ni le type du dramaturge généralisé et stylisé ; il ressemblera à beaucoup d’auteurs dramatiques et d’abord à M. François de Curel ; mais il ne sera la copie d’aucun d’eux : il sera Félix Dagrenat et non pas un autre. Figure en plein relief, d’où notre attention ne pourra plus se détourner. Image obsédante, dont ensuite nous garderons la hantise.

Un trait achève de rendre ce théâtre si captivant : l’inquiétude intellectuelle dont il témoigne. C’est surtout à M. de Curel que je songeais, quand, il y a quelque trente ans, je hasardais cette expression de « théâtre d’idées, » entrée depuis dans la circulation. Non seulement chacune de ses pièces est riche d’idées, mais non content de faire