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réduite demain, si l’Allemagne ne payait pas ou si nous ne savions pas décidément nous payer sur l’Allemagne ? Énorme est la tâche de reconstruction qui reste inachevée. En supposant que les travaux à entreprendre puissent, sans une gêne excessive pour les populations sinistrées, être échelonnés sur une période un peu longue, de dix ans par exemple, il faudra, pour les réparations, une dépense annuelle qui, d’après les évaluations administratives, atteindra huit milliards. Si nous y joignons un minimum de quatre milliards pour les pensions militaires et deux milliards pour les intérêts des emprunts, nous voilà forcés de porter, pendant dix ans, au budget des dépenses recouvrables, des crédits qui s’élèveront à une moyenne de quatorze milliards.

Ce n’est assurément pas la taxe de 50 pour 100 sur le prix des marchandises importées par les pays alliés qui aidera la France à se rembourser de ces avances. Les Chambres viennent de voter sans enthousiasme le projet de loi imaginé par nos amis d’Angleterre. Elles ne se sont fait aucune illusion sur le résultat à en attendre. Pour que la taxe prévue nous procurât des recettes, il aurait fallu qu’elle pût être établie ; et pour qu’elle pût être établie, il aurait fallu que les Alliés fussent d’accord avec le gouvernement du Reich. Mais, loin de se prêter à la combinaison, l’Allemagne s’est empressée de faire savoir à ses nationaux que, s’ils exportaient leurs marchandises dans les pays alliés, et si, en application de la nouvelle loi, les acheteurs y versaient à l’État la moitié du prix, les vendeurs ne seraient pas payés de cette moitié par le Reich. Conséquence : les industriels et les commerçants allemands ont, avec un ensemble parfait, suspendu leurs exportations vers les pays alliés. La taxe ne rapportera donc rien à la France et elle présentera, en revanche, l’inconvénient de nous priver de matières premières qui pouvaient nous être utiles et même indispensables.

Nous avons ainsi les mains vides. C’est, bien entendu, le moment que l’Allemagne a choisi pour recommencer à se moquer de nous. Elle ne voyait pas sans appréhension approcher cette date fatidique du 1er mai, à laquelle, d’après l’article 233 du traité, la Commission des Réparations devait avoir notifié au gouvernement allemand « le montant des dommages, comme représentant le total de ses obligations. » Les déclarations solennelles et réitérées de M. Briand, les consultations militaires, les dispositions préparatoires déjà prises, ne laissaient à l’Allemagne aucun doute sur les intentions du Gouvernement français. Elle s’est donc jetée dans ces « convulsions de la