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Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 63.djvu/352

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— Je remercie Votre Majesté de ses déclarations.

Notre entretien prend alors un caractère plus intime. Je questionne l’Empereur sur les impressions qu’il rapporte du front.

— Mes impressions, me dit-il, sont excellentes. Je suis plus confiant et plus en train que jamais. La vie que je mène à la tête de mon armée est si saine et si réconfortante ! Quel superbe soldat que le soldat russe ! Je ne sais pas ce qu’on n’obtiendrait pas de lui ! Et il a une telle volonté de vaincre, une telle foi dans la victoire !

— Je suis heureux de vous entendre parler ainsi ; car l’effort qui nous reste à accomplir est énorme encore et nous ne serons victorieux qu’à force de ténacité.

L’Empereur me répond, en serrant les poings et en les élevant au-dessus de sa tête :

— Je suis enfoncé dans la ténacité jusqu’aux épaules ; j’y suis embourbé. Et je n’en sortirai qu’après notre victoire complète.

Il m’interroge enfin sur notre offensive de Champagne, en exaltant les qualités magnifiques des troupes françaises. Il me parle enfin de moi, de ma vie à Pétrograd :

— Je vous plains, me dit-il, de vivre dans un milieu aussi déprimé, aussi pessimiste ! Je sais que vous réagissez courageusement contre l’air méphitique de Pétrograd. Mais si, un jour, vous vous sentez intoxiqué, ce jour-là, venez me voir sur le front et je vous promets que vous serez aussitôt guéri.

Subitement grave, il ajoute d’un ton âpre :

— Ces miasmes de Pétrograd, on les sent jusqu’ici, à vingt-deux verstes de distance ! Et ce n’est pas des quartiers populaires que viennent les pires odeurs, c’est des salons ! Quelle honte ! Quelle misère ! Peut-on être aussi dépourvu de conscience, de patriotisme et de foi !

S’étant levé sur ces mots, il reprend affectueusement :

— Adieu, mon cher ambassadeur ! Il faut que je vous quitte, je repars ce soir pour la Stavka et j’ai encore beaucoup à faire... Puissions-nous n’avoir que de bonnes choses à nous dire, quand nous nous reverrons !...



Mardi, 12 octobre.

D’après quelques propos que Mme Wyroubow a tenus hier soir dans une maison pieuse où l’on communie en Raspoutine, la