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appliquée sur rapport de la Commission des Réparations et de la Commission interalliée de contrôle militaire ; » et ces paroles ont été, paraît-il, inscrites au procès-verbal. Parfait. Mais les Allemands, qui n’ont pas lu le procès-verbal, nous disent déjà : Pourquoi rien de pareil dans la déclaration commune ? Pourquoi rien de pareil dans la signification que nous avons reçue ? Et pour combien de temps le premier ministre anglais a-t-il accepté l’interprétation du Président du Conseil français ? Pour la durée des annuités ? Voilà, concluent les Allemands, une épée de Damoclès qui, dans l’intervalle, aura le temps de se rouiller.

Et malheureusement, en effet, ce qui se passe à l’intérieur du Reich n’est pas pour nous rassurer sur l’avenir. La sincérité personnelle de M. Joseph Wirth est hors de cause. Il a tenu un langage correct et son acceptation est conçue en termes catégoriques. Mais aura-t-il le moyen de maintenir une majorité chancelante ? Aura-t-il la force de résister aux courants contraires ? Aura-t-il la volonté de rappeler son pays à un plus juste sentiment des réalités ? Sur tout le territoire du Reich, on voit s’agiter aujourd’hui des sociétés nationalistes, telles que le « Rettet die Ehre, » soutenues par le budget du Reich, à l’aide des millions soustraits à la caisse des réparations. Pour essayer de prouver au monde que l’Allemagne n’est pas responsable de la guerre, le « Rettet die Ehre » se livre à une propagande forcenée dans tous les pays. Puisque, malgré la mauvaise foi de l’Allemagne, nous avons renoncé, pour l’instant, aux hypothèques et aux nantissements, ne fermons pas, du moins, les yeux sur la campagne de falsification et de revanche qui se poursuit au delà du Rhin. Sinon, nous nous réveillerons, un beau jour, en présence d’une Allemagne fortifiée et arrogante, qui nous dira : « Vous avez laissé passer l’heure. Tant pis pour vous. »


RAYMOND POINCARÉ.


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RENÉ DOUMIC.