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Mais quand, à Plymouth, il apprit que l’Empereur n’allait pas aux Etats-Unis, il déclara qu’il ne le suivrait pas, même pour quelques mois ; il demanda à être débarqué pour revenir en France, et il réclama des agents du Gouvernement anglais qu’ils lui en facilitassent les moyens. Vainement, le grand-maréchal lui représenta l’embarras dans lequel il allait mettre l’Empereur, « puisqu’il n’y avait près de Napoléon aucun autre officier de santé, ni pharmacien que lui, et que c’était la pharmacie de l’hôpital qui avait fourni tous les médicaments dont lui seul avait la disposition, » Vainement lui montra-t-il que l’Empereur ne pouvait plus faire appel à aucun médecin français, et qu’il allait se trouver seul, sans aide, sans secours, au bout du monde ; vainement, l’amiral anglais insista et signifia-t-il à Maingault l’opinion que le monde ne manquerait pas de prendre sur lui ; il répondit à tous que « son engagement avec Napoléon n’était que verbal, » et que, dans ces conditions, il était libre.

On le fit donc passer du Bellérophon sur l’Eurotas où étaient réunis ceux auxquels le Gouvernement anglais refusait de suivre l’Empereur ; mais, tandis que ceux-là allaient et venaient de la frégate au vaisseau où ils étaient bien accueillis, et où ils avaient été admis à saluer l’Empereur, Maingault était exclu, et, au départ, il ne reçut ni de Napoléon, ni de qui que ce fût, aucun certificat : « Il s’en étonna, mais qu’eût-on certifié ? »

Ainsi, par l’absence de Foureau, et par la défection de Maingault, l’Empereur, à la veille d’être déporté dans une ile tropicale, s’est trouvé privé de tout secours médical que pût lui administrer un compatriote dont l’éducation et la science pussent inspirer quelque confiance. Nul ne sera là pour le conseiller sur l’hygiène à suivre, sur la méthode de vie à choisir, sur l’exercice à prendre, sur les régimes à adopter. Il y a des règles auxquelles Corvisart et ses élèves l’ont habitué, il y a des remèdes qu’il connaît, et dont la saveur ne le surprend pas : mais, autrement, sur l’avis de Corvisart, il rejette immédiatement tout ce qui surprend son goût. C’est la précaution qui, durant son règne, l’a constamment préservé du poison. C’est en même temps le plus grave obstacle à toute médication raisonnée.

Les médecins français défaillant. Napoléon veut tout de même, avant son départ, engager un médecin quelconque, un individu qui porte au moins le titre de médecin, et qui puisse figurer sons ce vocable dans sa maison. On a pris alors des