« ... Je suis seul pour cette immense tâche...
« Pour les esclaves j’ai une petite chambre où je les réunis et où ils trouvent toujours gîte, accueil, pain quotidien, amitié ; peu à peu je leur apprends à prier Jésus. Depuis le 15 janvier, jour que leur petite chambre a été terminée, j’en ai eu toutes les nuits à la Fraternité. Je vois parfois vingt esclaves par jour.
« Les voyageurs pauvres trouvent aussi à la Fraternité un humble asile et un pauvre repas, avec bon accueil et quelques paroles pour les porter au bien et à Jésus ; mais le local est étroit, la vertu du moine et son savoir-faire sont moindres encore : plus de vertus, d’intelligence, de ressources permettraient de faire bien plus de bien... Je vois parfois trente ou quarante voyageurs par jour.
« Les infirmes et vieillards abandonnés trouvent ici un asile avec le toit, la nourriture et des soins... Mais quels soins insuffisants et quelle pauvre nourriture !... Et je ne puis recevoir que ceux qui s’entendent avec les autres, faute de locaux séparés ; et je ne puis recevoir en aucune façon les femmes ; or les femmes, plus encore que les hommes, auraient besoin d’un hospice de vieillards.
« Pour l’enseignement chrétien des enfants, je ne fais absolument rien, et il me semble que je ne puis rien ; je vois quelquefois jusqu’à soixante enfants en un seul jour à la Fraternité, et je suis obligé de les renvoyer sans pouvoir rien pour eux, l’âme pleine de douleur. » Et la liste des réponses continue : l’hôpital militaire, l’hôpital civil pour les indigènes, la visite des malades à domicile, sont en dehors de mon pouvoir et de ma vocation ; il faudrait des religieuses !
« 4 juillet. — Rien de nouveau dans ma vie ; oh si ! cependant : j’ai eu la grande joie de pouvoir acheter et libérer un enclave : provisoirement, il reste chez moi, à titre d’hôte, travaillant au jardin... il semble avoir 25 ans... Priez pour sa conversion, et priez pour la mienne ! »
L’esclave dont parle ici Frère Charles était un Berâber razzié par les Doui Menia, amis encore peu sûrs à cette époque, et dont une fraction campait sur le plateau de Béni Abbès. Emu de pitié, à la vue de ce beau jeune homme captif. Frère Charles dit à un sous-officier français : « Il faut l’acheter à son maître. Mais, si l’on apprend que c’est moi qui veux libérer l’esclave, on me demandera un prix que je ne pourrai donner. Allez