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Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 63.djvu/576

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l’essentiel, et aboutissait aux aspects d’un large damier. C’est la formule même des classiques les plus têtus lorsque, vers 1869, ils opposaient la manière de M. Ingres à celle des coloristes du XVIIIe siècle : « L’art du maître moderne, disaient-ils, consiste plutôt dans la franchise avec laquelle il reproduit l’unité caractéristique de la teinte répandue sur chaque objet, ce que, dans le vocabulaire des ateliers on nomme la « teinte locale, » c’est-à-dire cette couleur générale qui, au premier aspect, enveloppe et absorbe les nuances diverses d’un visage, d’une draperie, d’une figure même tout entière. « Cette formule peut s’appliquer, théoriquement, aux cubistes. C’est par là qu’ils se réclament de M. Ingres. Mais M. Ingres a bon des et il est mort depuis longtemps. Sans quoi, il ne permettrait pas à son étrange postérité de le prendre comme otage et de le pousser devant eux, en disant : Si vous tirez sur nous, vous atteignez le Maître !

Il n’y a aucun rapport quelconque entre le dessin de M. Ingres et le Cubisme : c’est trop évident pour être démontré. Tout ce qu’on peut dire, c’est que M. Ingres eût poussé des cris d’horreur devant l’Impressionnisme et que les cubistes en prennent le contre-pied, mais point du tout comme l’eût voulu M. Ingres. Il proscrivait les diaprures de couleurs, la division des tons, les reflets dans l’ombre, et abominait la virtuosité de la touche, qu’il appelait un « abus de l’exécution. » C’est vrai, et, dans la construction d’une figure, il professait que « plus les lignes et les formes sont simples, plus il y a de beauté et de force. » Voilà qui est entendu. Il disait encore à ses élèves : « Il faut peindre dur, heurté et franchement. » Mais il disait aussi, et rien n’est plus contraire au Cubisme : « Pour arriver à la belle forme, il ne faut pas procéder par un modelé carré ou anguleux : il faut modeler rond et sans détails intérieurs apparents, » et surtout, il exigeait une pureté dans le dessin des figures et un certain « beau idéal, » contre quoi les « fauves » de toutes les écoles sont en insurrection ouverte.

Après cela, il importe peu que l’un et les autres soient à l’antipode de l’Impressionnisme. Il ne suffit pas de proscrire les méthodes et les produits d’une école pour se ressembler : il faut encore se rencontrer en quelque analogie positive, et M. Ingres et les cubistes n’en ont aucune dans le dessin, le modelé, ni les valeurs. Si l’on y tient, à la rigueur on pourrait en trouver une dans la couleur ou plutôt dans l’absence de la riche et belle couleur.