Quiconque est un peu familier avec l’œuvre de M. Henri de Régnier, — je ne dis pas seulement l’œuvre romanesque, mais aussi poétique, l’œuvre entière, — a dû être frappé de la place considérable qu’y tient l’Italie, et non pas seulement celle des grands paysages, des villes et des ruines illustres avec tout leur passé d’art et de civilisation, mais aussi l’Italie d’aujourd’hui avec sa figuration humaine, ses hôtels, ses lieux de plaisir, ses vieux palais toujours habités, — une Italie moderne vue, sentie et conçue d’une certaine façon.
Sur seize ou dix-sept romans qu’a écrits, jusqu’à ce jour, l’auteur des Esquisses vénitiennes, il y en a au moins la moitié dont l’intrigue se développe dans l’Italie du présent ou du passé, qui lui empruntent leurs personnages comme leurs décors, et qui enfin attestent un véritable culte, un enthousiasme à la fois esthétique et sensuel pour le pays de Tiepolo, de Longhi et de Casanova. Une prédilection si persévérante, si heureusement et quelquefois si magnifiquement exprimée, ne peut pas être l’effet d’une rencontre fortuite. Elle a dans le tempérament et l’éducation de l’auteur, dans sa sensibilité la plus intime, des causes profondes qu’il vaut la peine de dégager. Et enfin, elle a une signification directe ou symbolique, elle comporte ou elle sous-entend une conception hautaine et douloureuse de la vie, qui, peut-être, n’a pas encore été suffisamment mise en lumière.
Je le dis sans la moindre intention de critique : M. Henri de Régnier est un homme du passé, ou plus exactement un écrivain