d’amour. Cela vit toujours, parce que c’est le meilleur, c’est ce qui subsiste et subsistera de tout l’effort d’une race et d’une civilisation. Il célébrera donc de l’Italie son éternel décor de beauté, ses fresques, ses tableaux, ses statues, ses architectures, toutes ces belles formes qui, depuis la Renaissance, ont servi de modèles à notre art, à nos châteaux de Loire et de Touraine, à nos Versailles et à nos villes parlementaires. Et puis, — et surtout, — la volupté, la passion tragique et contenue, rendue plus violente par cette contrariété même, ou bien l’irruption de l’instinct au milieu des mœurs les plus raffinées. Enfin, la simple douceur de vivre, — sous un beau ciel, parmi les créations les plus magnifiques de l’art, parmi des êtres joyeux, ardents, simples, et que nul préjugé n’embarrasse.
De l’Italie ainsi vue et conçue presque tous les aspects figurent dans l’œuvre romanesque ou poétique de M. Henri de Régnier. Ses livres composent une sorte de panorama des beautés voluptueuses et décoratives de la Péninsule. Il est à noter que l’Italie sévère, méditative ou mystique, celle de Dante, de Machiavel, de Pétrarque, — la Florence athénienne par exemple, — est à peine indiquée chez lui et qu’il n’y fréquente guère. A Rome même il néglige l’antiquaille, ou, s’il l’évoque un instant, c’est à la façon de Piranèse, ou tout simplement pour le plaisir d’écrire sur cet étrange paysagiste des phrases comme celles-ci : « Ses planches de monuments et de ruines sont admirables. Mais il nous a conservé aussi les visions de son sommeil et de ses rêves. Toute cette architecture devenait dans son esprit nocturne une sorte de cauchemar. Ses songes étaient hantés d’un entassement inouï de blocs, d’un enchevêtrement de colonnes, d’arcs de triomphe, de temples, de labyrinthes. Il s’en dégage de l’angoisse, de la terreur. On se perd à errer dans ces Forums de visionnaire, dans ces Colisées d’halluciné, en ces Catacombes de fou, dans le chaos vertigineux de cette apocalypse d’archéologue... »
Au fond, ce qui, dans la Ville Eternelle, attire Henri de Régnier, comme d’Annunzio, c’est la Rome papale de la Renaissance et de l’âge classique, celle des Médicis, des Barberini, des Lambertini, la Rome qu’il a esquissée dans la Double maîtresse : — la Trinité des monts, la Place d’Espagne, avec son escalier monumental, aux rampes fleurdelysées, présent de l’ambassadeur du