une farce qu’on lui jouait souvent, d’épingler sur la muraille, dans la salle de rédaction, quelques lignes de lui ridicules.
Les difficultés de sa vie l’éloignèrent de la capitale. Il resta quelque temps à Fiume, à la solde du Gouverneur, pour lequel il faisait passer de petites notes dans les journaux. Mais toujours travaillé par le regret de Budapest, on l’y vit bientôt reparaître. Aucune feuille ne voulut de ses services. Une agence de presse catholique le prit comme sténographe. Ce qui ne l’empêchait pas de travailler aussi pour les congrès socialistes, dont il livrait ensuite les secrets aux journaux conservateurs. Dans les premiers mois de la guerre, il fut affecté au bureau télégraphique officiel. Il déclarait alors que s’il était contraint de partir au service, il n’y moisirait pas longtemps. Et en effet, il tint parole. Une heure et demie après son arrivée au front (lui-même s’en vantait), il passait à l’ennemi.
En Russie, il rencontra Bela Kun et travailla de concert avec lui, dans les camps de prisonniers, à la propagande communiste. On l’accuse d’avoir fait fusiller bon nombre d’officiers magyars qui ne se montraient pas assez souples. Puis il revint en Hongrie, et Bela Kun le nomma commandant de tous les arrières de l’armée, avec mission de réprimer les mouvements contre-révolutionnaires qui pouvaient surgir en province.
Son activité fut effroyable. Sans cesse, de jour ou de nuit, il montait dans son train ou dans son automobile rouge, accompagné de ses gars de Lénine, tous armés jusqu’aux dents, pour aller faire quelque part une expédition punitive. Tantôt, c’était à Kalocsa, tantôt à Kapuvar, à Sopron, à Csorna, à Püspök-Ladany, à Csegled, à Dunapataï, à Oedenburg, partout enfin où on lui signalait que quelques paysans avaient coupé des fils télégraphiques, attaqué des gardes-rouges, refusé de livrer leur blé ou leur bétail. Il arrivait dans le village, entouré de ses hommes de cuir, qui tenaient à bout de bras des grenades à main. Les paysans dénoncés par le soviet de l’endroit étaient traduits l’un après l’autre devant le tribunal révolutionnaire, composé d’un juge unique, autour duquel se tenaient les compagnons de Szamuely. Lui-même, assis sur une chaise, les jambes négligemment croisées, et fumant sa cigarette à bout d’or, il plaisantait, ricanait, faisait des facéties du genre de celle-ci : « Eh bien ! camarade, qu’as-tu fait ? demandait-il, un jour, à un paysan tremblant de peur. — Rien, Monsieur,