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Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 63.djvu/637

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il fallut en revenir aux vieilles méthodes bourgeoises, fort peu démocratiques, mais qui avaient fait leurs preuves. Et puis, comme disait Bela Kun pour justifier ce retour au passé, « l’immense différence entre hier et aujourd’hui, c’est qu’hier, nous menions la lutte d’en bas ; aujourd’hui, nous la menons d’en haut. Naturellement, le point de vue change, et ce qui hier pouvait être mal devient au contraire bien aujourd’hui... » Les conseils de soldats, l’élection des officiers par les hommes, les discussions politiques et les meetings dans les casernes, tout cela avait été « bon » pour détruire l’ancienne armée bourgeoise ; mais cela était « mal, » aujourd’hui qu’il s’agissait de mettre à la disposition du gouvernement soviétique une puissante force militaire. On reconstitua les cadres, en rappelant au service tous les anciens officiers ; la conscription obligatoire remplaça le système des engagements volontaires ; on remit en usage le code militaire, qui naguère révoltait si fort le sens de la justice des antimilitaristes ; des soldats indisciplinés furent passés par les armes ; on rétablit la distinction des grades, et la seule différence entre l’ancienne armée et la nouvelle, c’est qu’à la place d’étoiles au collet, les officiers portèrent désormais des galons à la manche et au képi.

Böhm, le ministre de la guerre, l’ancien représentant de machines à coudre, et Napoléon Pogany, le fils du laveur de cadavres, avaient glissé au second plan. Un ancien officier, le colonel Stromfeld, était devenu l’âme de la nouvelle armée rouge. D’excellente famille bourgeoise, élève de l’Ecole militaire de Vienne, rien ne prédisposait ce Stromfeld aux idées révolutionnaires. Mais après la débâcle austro-hongroise, il se tourna du côté des socialistes d’abord, et des communistes ensuite, avec l’espoir d’utiliser encore une activité militaire que cinq années de guerre n’avaient pas rassasiée, et qui était un besoin de sa nature. C’est le type ordinaire du soldat de métier, qui ne manque jamais d’apparaître dans une révolution, quelle qu’elle soit. Un instant, toute la Hongrie mit en lui sa confiance : les Rouges, parce qu’ils espéraient beaucoup de ses talents militaires ; les Blancs, parce qu’ils comptaient sur lui pour renverser Bela Kun. Il déçut tout le monde : les bolchévistes, qu’il ne réussit pas à conduire à la victoire ; et les patriotes, qui n’avaient pas compris que, pour ce professionnel passionné, le rôle de chef d’État-Major qu’on lui avait donné,