Devant l’attaque menée par le prince de Conti à la tête des gardes françaises et des gardes suisses, les ennemis reculent, ils abandonnent les haies et les palissades, chassés, balayés. Sur une barricade de la grande place, Conti plante de sa propre main l’étendard des gardes-françaises. Des bataillons anglais, des protestants français au service des Alliés surgissent, essayent de lui arracher sa glorieuse conquête. « Je le vis à trente pas de moi, combattant comme un lion au milieu d’un tas effroyable de morts et de mourants. » Ces paroles d’un ennemi rappellent les beaux vers du Cid :
Je l’ai vu tout couvert de sang et de poussière
Porter partout l’effroi dans une armée entière.
Tant de vaillance aurait peut-être cédé au nombre. Mais voici Luxembourg sur la droite. Il vient d’anéantir tout ce qui lui résistait. Maître du village, il commande que l’on détruise les talus et les murs des jardins. C’est fort nécessaire pour que les différents corps communiquent entre eux, si les ennemis reviennent à la charge. Ce retour offensif ne tarde guère ; une horrible mêlée recommence, les pentes de la colline de Nerwinde ruissellent de sang, on se bat sur des montagnes de cadavres.
Cependant, Créqui force le parapet qui relie Nerwinde à Néerlanden ; Feuquières entre dans le camp des Alliés, et Conti reçoit l’ordre de pénétrer dans le retranchement. Par des ouvertures ménagées d’avance, la cavalerie s’y introduit. Chaque escadron défile, comme il peut, « à travers les fossés relevés, les haies, les jardins, les houblonnières, les granges, les maisons » dont on abat les murailles gênantes. En vain deux régiments anglais et les gardes de Guillaume obligent à plier les premiers escadrons à peine formés ; en vain la cavalerie hanovrienne, accourant des extrémités du camp, réussit à rompre ces escadrons, « troupes d’élite jusque-là invincibles. » Toute la cavalerie française fait irruption de tous côtés et l’infanterie rase une partie des retranchements. Dans la plaine, quarante mille cavaliers s’entrechoquent sous les yeux du curé de Nerwinde, qui, grimpé au sommet de son clocher, « en eut tout le grand et long spectacle. » Conti, déjà meurtri d’une contusion, reçoit un coup de sabre amorti par le fer du chapeau. Il riposte, et tue l’homme qui l’a frappé. Cinq fois, les charges se renouvellent, et le prince accomplit « des choses dignes des héros de l’antiquité. »