Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 63.djvu/69

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’habitude. Il avait été très agité, et avait quitté son lit souvent. L’après-midi, quand elle vint pour le voir, il reposait. » Elle ajoute que la douleur au côté s’était accentuée. Fallait-il attribuer cette recrudescence à ce que, depuis quelque temps, il avait renoncé aux bains chauds prolongés ?

Le 3 septembre, l’Empereur se promène dans l’espace clos sous ses fenêtres : un domestique anglais, qui ne l’avait jamais vu jusque-là, le décrit à Verling comme paraissant vieux, pâle et blême. Comment s’en étonner ? L’Empereur ne prend pas l’air, il vit dans une température étouffante, ne se laisse même pas apercevoir par l’officier d’ordonnance. Ainsi, le 26 septembre, à Mme Bertrand qu’il avait à diner, il se plaint de la grande chaleur qu’il fait dans les chambres, ce à quoi il attribue un rhume qu’il a pris, « Ses nouvelles, dit Mme Bertrand, sont toujours médiocres, et elle observe qu’il est devenu très chauve. »

Au début d’octobre, des pourparlers s’engagent entre Montholon et Lowe, pour amener Napoléon à se montrer à l’officier d’ordonnance. Ainsi arrive-t-on à des procédés de stratégie un peu comique. Le 3 octobre, on fait passer les enfants Bertrand sous sa fenêtre, car quelquefois, il parle aux enfants à travers le châssis. Cette fois, on ne réussit pas. Un instant après, Mme de Montholon passe avec ses enfants. Napoléon ouvre la fenêtre et lui parle pendant quelques moments. Il est debout, habillé d’une robe de chambre plutôt usagée, coiffé d’un mouchoir rougeâtre roulé autour de sa tête. Le capitaine Nicholls, embusqué derrière le mur qui sépare la maison de Bertrand du jardin, le regarde avec une lunette, et il est fortement impressionné. « Il peut seulement le comparer à un fantôme. » « Son visage est couleur de suif, et l’abaissement de la mâchoire inférieure frappe fortement. » Verling, qui se trouve au fond du jardin, ne peut distinguer son vêtement, mais, dit-il, « du peu que j’avais pu apercevoir sa personne, il semblait être très malade. » Sous le coup de cette émotion, Verling écrit à Baxter qui, dans l’Ile, représente l’autorité médicale suprême, sous le contrôle et la complaisante bienveillance de Sir Hudson Lowe : « Mon cher Verling, répond Baxter, je suis heureux que vous ayez aperçu l’homme ou le fantôme, mais j’aurais désiré que vous fussiez un peu plus près. Le jour approche où vous aurez à lui donner des soins journaliers et il ne serait pas surprenant que je fusse aussi de la partie. J’ai rencontré Nicholls près