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vivre. Il a combiné des idées, organisé des doctrines. Et lui-même ne croyait point à ses doctrines : comment aurait-il cru à ses doctrines, quand ses doctrines supprimaient la croyance ? il est extrêmement malheureux. Il regarde le ciel d’hiver, où brillent le baudrier d’Orion, les trois Rois d’or, et Bételgeuse cramoisie, et Sirius bleu, palpitant comme « un berger fou qui appellerait éperdument de sa clarine de cristal toutes les brebis de son troupeau de lumière. » Il souffre, M. Gretzili, et s’en aperçoit d’une manière à n’en plus douter. Alors, il corrige Descartes et nie que la pensée atteste l’existence : car la pensée est une illusion plus périlleuse que les autres. Mais la souffrance est réelle : « Je souffre, donc je suis ! » s’écrie enfin M. Gretzili, sauvé du néant, sauvé trop tard pour profiter du sauvetage.


Philosophe pessimiste, M. Beaubourg exhorte son lecteur à décrier les métaphysiques, autant dire le plus grand effort de la pensée humaine.

Voici d’autres conteurs gais : ils ne s’attaquent point aux métaphysiques, jeu sublime de l’humanité, mais jeu assez rare et si rare qu’en somme l’effondrement des métaphysiques ne modifierait pas beaucoup les journées de nos camarades ni les nôtres. Ils épiloguent sur le train le plus ordinaire de la vie contemporaine, où le souci d’amour et d’argent tient plus de place qu’une rêverie relative aux idées pures.

Il y a, dans l’Amant de la petite Dubois, de MM. Max et Alex Fischer, une excellente comédie, dont les personnages sont des fantoches. Et ce n’est point par mégarde que les auteurs de ce roman, très habile et joli, ont laissé leurs personnages à l’état de fantoches : ils l’ont voulu, afin que l’on vît comme la plupart de gens que l’on connaît, que l’on a vus se trémousser autour de maintes ambitions et convoitises, et qui ressemblent aux personnages du roman, sont eux-mêmes de tels fantoches. Et quelle gaieté, dans cette machination démonstrative !

Il y a, dans la Dame très blonde, une histoire de jalousie, extrêmement plaisante. Et l’on dit que la jalousie est une passion terrible, qui fait endurer à un pauvre homme le pire supplice : on dit bien des choses ! Le héros de MM. Max et Alex Fischer ne souffre pas : il est curieux de savoir si la dame très blonde n’a point éparpillé sa prédilection, sa complaisance. Il est content de savoir que non. S’il apprenait que oui, sans doute n’aurait-il pas l’un de ces chagrins à propos desquels les moralistes et les romanciers manquent volontiers de