mort au reniement de son idéal. Voilà le redoutable problème qui se pose, en tout temps, à ceux que la tradition attache aux constructions harmonieuses du passé et qui croient voir pourtant, dans une réforme incomprise des traditionalistes, le seul salut possible de l’humanité. Auprès de Cécilius, l’évêque Cyprien nous offre un autre saisissant sujet d’étude : l’angoisse qui étreint le pasteur d’âmes, le chef responsable du troupeau, quand il se trouve en face des persécutions, qu’on pourrait peut-être éviter, et au milieu des schismes et des disputes intestines de l’Eglise : les exaltés du martyre pressés de se libérer des dures tâches quotidiennes et inglorieuses qui fondent la communauté chrétienne, et les tièdes à l’affût de tous les prétextes pour éluder le témoignage nécessaire de la foi. Et cela, aussi, est de tous les temps. Lorsque saint Cyprien, à la veille de sa mort, dit à ses disciples : « Hélas ! une des plus grandes infirmités humaines est de ne pouvoir convaincre et de ne pouvoir être convaincu par la raison : c’est pourquoi nous devons recourir à la vertu persuasive du sang, » il n’y a pas, là, « restitution historique, » ni couleur locale, dont peuvent seuls juger quelques savants : il y a restitution humaine et psychologique, dont chacun peut juger avec sa raison et avec son cœur.
De même l’Infante est tout autre chose qu’une histoire d’amour contrarié, affronté avec le devoir, dans un décor pittoresque. Inès de Llar n’est pas une sœur de Marianna Alcoforado. C’est l’antagonisme, dans deux êtres qui s’aiment, de deux pays qui se haïssent, parce qu’ils se jalousent et qu’ils luttent pour le premier rang dans le monde, l’un au déclin, l’autre près du zénith. C’est, rendu sensible dans l’héroïne, l’esprit nouveau d’une vieille province d’Espagne attirée invinciblement vers ce nouveau pôle magnétique et lumineux qu’est Versailles, en dépit des attaches et des déchirements des vieilles familles qui furent grandes sous l’autre régime. C’est enfin la grandeur d’une autre race, l’Espagne « fanatique et sans culture, » s’enfonçant peu à peu dans le passé.
Ce passé, avec son armature de gloire et de morgue, digne qu’on lui sacrifie tout, est magnifiquement évoqué dans ce microcosme qu’est l’Escurial. Au contraire, le Présent et l’Avenir du pays qui va régner sur le monde sont en puissance dans ce Versailles que l’auteur nous peint en sa première et jeune nouveauté « beau palais blanc et mauve, » surgi de la volonté d’un