partages de l’Empire, avec Charlemagne et après lui, quelque ruineux qu’ils aient pu être par ailleurs, ne furent-ils pas, à proprement parler, des partages ou des démembrements, mais bien plutôt la constitution de grandes lieutenances politiques subordonnées au souverain, c’est-à-dire à une « magistrature universelle qui soumettait à son prestige ceux même qui restaient hors de son pouvoir. » Et voilà pourquoi aussi, dans l’immense anarchie du IXe et du Xe siècle, si l’Empire s’écroule sous la poussée des royautés et des seigneurs, le sentiment national subsiste ; un régime se dessine : le régime féodal ; une nation s’organise : la France.
La période constructive durant laquelle devait se parfaire l’œuvre de Charlemagne, et s’édifier la France féodale, prélude par une révolution : le 1er juin 987, Hugues Capet est proclamé roi à Noyon ; le 3 juillet, il est sacré à Reims. Révolution ? non pas à la rigueur : un fidèle n’avait-il pas le droit de choisir son seigneur ? on avait choisi, simplement, « l’homme le plus capable de gouverner et de défendre le royaume. » Le principe de l’autorité, c’est sa fin ; lorsque celui qui détient l’autorité n’est plus capable d’assurer cette fin, l’autorité en fait n’existe plus, parce que l’homme n’a plus le pouvoir de se faire obéir. En sanctionnant ce fait, l’Eglise, gardienne de l’ordre, ne l’avait-elle pas reconnu en droit ? Effectivement la royauté nouvelle allait être une royauté nationale, et elle devait tirer un merveilleux parti des institutions féodales dont elle était issue.
Le régime qui s’ébauche a ses tares : incohérence et désordre, guerre et oppression, une fiscalité qui atteint les hommes libres comme les serfs, un retour à la notion barbare du pouvoir, qui aboutit au morcellement territorial et à l’émiettement de la puissance publique. Mais ce régime, aussi, a sa force et sa vertu : il n’est pas né, comme on l’a cru, de la conquête, c’est-à-dire d’un accident ; il procède d’un lent développement historique et social ; il répond aux besoins vitaux du temps ; et il rachète les maux engendrés par les services rendus : la féodalité fournit à une société désemparée ses cadres et ses chefs, et lui garantit, avec la protection, les bienfaits de la vie sociale. Qui donc, après cela, s’étonnera de voir des paysans asservis se soulever