action en quelque sorte élective, spécifique, et que, selon sa nature, il altère exclusivement telles ou telles parties de notre corps. Ainsi le phosphore altère les cellules du foie, la toxine de la dysenterie se fixe sur l’intestin ; l’atropine introduite dans l’organisme va se fixer électivement sur un petit groupe de cellules du bulbe, etc., etc. L’action nocive de ces substances toxiques est liée à leur affinité, à leur prédilection spécifique pour telle ou telle partie de notre corps.
Or, une série de faits a été mise depuis peu en évidence, d’où il résulte que, par opposition avec les phénomènes d’intoxication, il existe un grand nombre de troubles et de malaises dus souvent à l’ingestion de subs-tances étrangères et nocives, troubles que le professeur Widal a rangés sous la dénomi-nation générale de chocs et qui n’ont aucunement les caractères de l’intoxication. Tout d’abord les substances capables de produire ces troubles nouveaux n’ont aucune spécificité : tels sont les accidents morbides produits par les diverses albumines, par la peptone, par le blanc d’œuf, par les albumines du sérum, etc. : à peu près identiques sont les effets produits par ces substances. En outre, — et en cela encore ils se distinguent des phénomènes toxiques, — ces effets, quelle que soit leur gravité (et ils sont parfois mortels), se dissipent avec une rapidité surprenante sans laisser en nous de trace matérielle de leur passage. Au contraire dans l’intoxication les cellules sont altérées, chimiquement attaquées, et les effets produits durent longtemps. Par exemple, dans l’empoisonnement par l’oxyde de carbone, les globules rouges du sang sont modifiés et rendus incapables de fixer l’oxygène de l’air, de respirer. Si j’ose employer cette comparaison, — qui, je crois, correspond assez aux vues profondes du professeur Widal, — nos cellules sont comme les briques d’une maison : l’intoxication attaque individuellement ces briques, les ronge de telle sorte qu’elles ne pourront plus servir à reconstituer tel qu’il était l’édifice antérieur ; au contraire, le « choc » dont il s’agit, tout en laissant intactes les briques individuelles, les disloque en ébranlant l’édifice. Celui-ci pourra être ensuite reconstitué entièrement par le jeu naturel de l’organisme, puisque les matériaux en sont restés intacts.
C’est assurément au maître Charles Richet qu’on doit, par sa découverte de l’anaphylaxie, d’avoir attiré l’attention sur ces troubles d’un genre particulier. Qu’est-ce que l’anaphylaxie ? L’étymologie, — qui finira par devenir une branche de la médecine, tant, depuis quelque temps, les faits nouveaux y imposent de nouveaux mots... — l’étymologie nous apprend que c’est « le contraire de la protection. »