Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 63.djvu/957

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

foule enthousiaste, « la victoire du Skager-Rak, » et lorsque l’amiral von Trotha a prononcé cette phrase menaçante : « Je vois venir le jour où une nouvelle flotte impériale anéantira les perfides Anglais et les immondes Français. »

Comme l’a dit à Châtellerault, dans un beau et courageux discours, M. Raoul Péret, président de la Chambre des députés, ces manifestations de la sagesse et de la bonne volonté allemande ne sont pas pour nous rassurer sur le présent, et encore moins sur l’avenir. Les dispositions qu’elles nous laissent déjà deviner ne peuvent que s’accentuer, à mesure que le temps passera et que l’Allemagne perdra davantage, avec le sentiment de notre force, le souvenir de sa défaite. Nous ne saurions donc qu’approuver entièrement lord Derby et ses amis, lorsqu’ils disent : « Il faut chercher la garantie de la paix future ailleurs que dans un désarmement provisoire ou dans des promesses de métamorphoses morales et politiques. La meilleure assurance qu’on puisse prendre contre un retour offensif de l’Allemagne serait, non pas simplement une confirmation de l’Entente, mais l’extension de cet accord à toutes les questions auxquelles sont intéressées l’Angleterre et la France. » C’est la thèse même que j’ai exposée dans ma dernière Chronique et qui, par bonheur, fait du chemin des deux côtés de la Manche. Lord Derby, dont l’amitié pour la France mérite toute notre gratitude, va plus loin et préconise une alliance proprement dite. Rien de mieux, si la chose est possible. Mais, en bonne logique, nous devons commencer par déblayer entièrement le terrain, avant d’y élever un monument nouveau. Une liquidation générale des difficultés qui divisent nos deux pays, aussi bien en Orient qu’en Europe, est déjà, en elle-même, une opération longue et compliquée. Lorsqu’elle sera terminée, l’harmonie des cœurs complétera tout naturellement l’accord des esprits, et, si l’alliance peut être con-clue, elle le sera dans une atmosphère plus favorable. Il va sans dire, d’ailleurs, que, le jour où serait scellé un tel pacte, les deux nations y figureraient en égales. Aucune d’elles n’a à solliciter l’autre, aucune d’elles n’a de services à demander. Lorsqu’elle se défend, la France défend l’Angleterre ; lorsqu’elle repousse une invasion allemande, c’est pour le compte de l’humanité.

Dans un article très sensé et très fin qu’il a naguère consacré à ces projets d’alliance franco-britannique, M. Eugène Lautier a, en outre, excellemment marqué les conditions auxquelles devrait être soumise une convention de ce genre. Il serait, d’abord, nécessaire