français repoussera ces dangereuses suggestions. Si nous les accueillions, le chancelier allemand pourrait se flatter d’être arrivé à ses fins. Il aurait partie gagnée. Il aurait, sans doute, accepté l’ultimatum de Londres, mais il aurait tiré de cette soumission apparente des avantages inappréciables. En premier lieu, il aurait eu la satisfaction de nous voir mobiliser en vain toute une classe et rester aux portes de la Ruhr, après avoir tout préparé pour y entrer. En second lieu, il aurait la joie de penser que la France, qui a déjà avancé pour le compte de l’Allemagne une soixantaine de milliards, ne serait jamais remboursée et que l’Allemagne serait libérée d’autant, sans bourse délier. En troisième lieu, il aurait eu le plaisir de constater que, malgré la mise en demeure de la Commission des Réparations, les Gouvernements alliés accordaient des délais à l’Allemagne pour sa dette exigible de douze milliards. Et ce ne serait pas encore assez ! À toutes ces concessions, dont jusqu’ici la France ne mesure pas exactement le poids, mais dont elle sentira bientôt le faix sur ses épaules, M. Wirth voudrait qu’on en ajoutât une autre, qu’il regarde, d’ailleurs, comme l’exécution d’un marché passé, à demi-mot, entre lui et l’ambassadeur d’Angleterre à Berlin, lord d’Abernon : la livraison de la Haute-Silésie à l’Allemagne. Mais, quelques promesses qu’ait pu faire lord d’Abernon pour déterminer l’Allemagne à s’incliner devant l’ultimatum et pour nous empêcher d’occuper la Ruhr, il a lui-même, il y a peu de mois, condamné les prétentions allemandes sur la Haute-Silésie et il est surprenant qu’il ait la mémoire assez courte pour oublier sa propre signature. Le 18 janvier dernier, il était un des experts de la Conférence de Bruxelles, avec MM. Delacroix, Seydoux et d’Amelio ; et il avait rédigé avec ses collègues un rapport qui avait été adressé aux gouvernements alliés et qui con-tenait le passage suivant : « Haute-Silésie : Un contrôle interallié de la distribution du charbon après le plébiscite sera établi, afin d’assurer une répartition équitable du charbon. La Commission des Réparations a procédé déjà à des études très complètes sur la question et elle a en mains tous les éléments utiles ; il en ressort qu’il ne faut pas exagérer l’importance de la Haute-Silésie pour la vie économique de l’Allemagne, si l’on adopte des mesures dans le genre de celle dont il vient d’être question. »
Ce document est signé, pour l’Angleterre, par lord d’Abernon et par sir John Bradbury. Il devrait, semble-t-il, suffire à démontrer la vanité de la thèse de M. Keynes et à apaiser les scrupules de M. Lloyd George. Dès le mois de juillet 1920, dans sa première conversation