nous. » Il a cité Primerose et la charmante aïeule, si bonne et si fine, de race si vraiment française, avec son esprit pénétrant, son indulgence, son dévouement tendre, sa vie modeste, et le tour vif de ses propos : Mme de Trévillac. M. Doumic est venu à la trilogie des pièces satiriques, le Roi, le Bois sacré, l’Habit vert, et il s’est diverti à montrer, non sans malice, combien cette satire était de tradition, presque vénérable par son archaïsme et, en somme, inoffensive. Un satirique, ainsi l’a voulu le ciel, est toujours un conservateur. Toute cette partie essentielle du discours restera comme une page de critique pénétrante et complète.
Nous voici arrivés aux temps de la guerre. M. Doumic a donné un dernier regard à ce théâtre léger, fait pour les temps légers d’autrefois. Puis, après avoir montré en beaux termes la conduite de M. de Flers aux armées roumaines, après avoir rappelé ce raid hardi par-dessus les armées ennemies et toute la Roumanie, de Jassy en Macédoine, il a conclu qu’il nous fallait maintenant un théâtre adapté au sérieux des temps nouveaux. Il a rappelé le devoir de l’écrivain envers son pays, et comment il doit en soutenir au loin la renommée. Beaucoup d’auteurs qui n’étaient pas dans la salle, pourraient prendre cette semonce à leur compte. « Nous ne sommes pas seuls dans le monde, » a dit M. Doumic. Qu’il ait terriblement raison, il m’a été donné trop souvent de le constater en voyageant chez d’autres peuples, et de souffrir de l’image que des livres français donnaient de la France. C’est l’avis universel, et M. Marcel Prévost l’a rappelé, lui aussi, dans un discours académique. Et c’est enfin ce que M. de Flers lui-même venait de dire dans une phrase magnifique : « Peut-être nous-mêmes, ne savons-nous pas assez qu’être Français, ce n’est pas seulement une nationalité, mais une dignité, et qu’il ne tiendrait qu’à nous que nous fussions un peuple de vingt millions d’ambassadeurs, auxquels dix siècles de sacrifice et d’honneur, ont donné, dans le monde entier, leurs lettres de créance. » — Ainsi tout le monde pense de même, et c’est très bien ainsi.
HENRY BIDOU.