Chronique 15 juin 1921
Le projet de loi portant approbation du Traité de paix conclu à Trianon, le 4 juin 1920, entre les Alliés et la Hongrie, a été transmis au Sénat, et la Commission des Affaires extérieures a chargé M. Reynald du rapport. Le Président du Conseil a exprimé le désir que la discussion eût lieu avant les vacances parlementaires, et il est souhaitable, en effet, qu’elle ne soit pas ajournée. La Tchéco-Slovaquie, la Roumanie, le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, attendent avec impatience une ratification qui a déjà tardé plus d’une année. Comme M. Briand l’a fort bien expliqué devant la Chambre, en réponse aux orateurs qui avaient formulé des critiques contre le Traité, il ne sert à rien de revenir aujourd’hui sur le passé et de pleurer sur le morcellement de l’Autriche-Hongrie. Il est trop tard pour arrêter le cours des choses. « Ce qu’il faut, a-t-il dit avec raison, c’est conserver à la France tout le bénéfice moral de la part qu’elle a prise à la création de jeunes États qui avaient droit à l’existence. Ce qu’il faut, c’est l’appeler à donner à ces États, en accord avec ses alliés, tous les moyens de se développer et de prospérer. » Aussi bien, la Chambre a-t-elle adopté, par 478 voix contre 74, le projet qui lui était soumis. Le résultat sera certainement le même au Sénat, mais les objections, qui y ont déjà été développées contre le Traité de Saint-Germain y seront reproduites, et déjà l’un des membres les plus distingués et, ce qui ne gâte rien, les plus spirituels de la Haute-Assemblée, M. François Albert, nous laisse pressentir, dans la presse, les motifs de cette opposition. Il reproche au Traité de Trianon d’avoir consacré ce qu’il appelle « la diplomatie des morts-nés ; » et les morts-nés, ce sont, d’après lui, les États que les Alliés ont créés ou laissés naître dans l’Europe centrale. Il déplore qu’en face d’une Allemagne
- ↑ Copyright by Raymond Poincaré, 1921.