Mme Honesta reproduise quelques traits du caractère de Mlle de La Fontaine, mais le sujet de Belphégor est emprunté à Machiavel, et, quand l’auteur italien avait publié sa nouvelle, on avait déjà dit qu’il y avait représenté sa femme.
Vu peu plus loin, l’abbé d’Olivet, voulant donner une preuve de la crédulité de La Fontaine, raconte l’aventure de celui-ci avec « un nommé Poignan, ancien capitaine de dragons, retiré à Château-Thierry. » Citons textuellement l’anecdote qui est reproduite par tous les biographes de La Fontaine avec plus ou moins d’exactitude :
« Tout le temps que ce Poignan n’était pas au cabaret, il le passait auprès de Mme de La Fontaine qui était, comme j’ai dit, une Mme Honesta
d’un orgueil extrême
Et d’autant plus que de quelque vertu
Un tel orgueil paraissait revêtu.
Poignan, de son côté, n’était pas du tout galant. On en fit cependant de mauvais rap-ports à M. de La Fontaine, et on lui dit
qu’il était déshonoré, s’il ne se battait contre Poignan. Il le crut.
Un jour d’été, à quatre heures du matin, il va chez lui, le
presse de s’habiller, et de le suivre avec son épée. Poignan le
suit, sans savoir où ni pourquoi. Quand ils furent hors de la
ville, La Fontaine lui dit : « Je veux me battre contre toi, on
me l’a conseillé. » Et après lui en avoir expliqué le sujet, il
met l’épée à la main. Poignan tire à l’instant sa sienne, et d’un
coup ayant fait sauter celle de La Fontaine à dix pas, il le
ramène chez lui, où la réconciliation se fit en déjeunant... » —
On a conclu de ce récit que Poignan était l’amant de Mlle de
La Fontaine. Il me semble que l’abbé d’Olivet dit tout justement
le contraire. En 1747, c’est-à-dire cinquante ans après la mort
de La Fontaine, Louis Racine, dans les Mémoires sur la vie de
son père, certifia la vérité de l’anecdote rapportée par l’abbé
d’Olivet et la conta à son tour en l’animant d’un plaisant dialogue entre les deux amis.
Non content d’interpréter à contre-sens l’abbé d’Olivet, on a bâti un roman : avant son mariage, Marie Héricart aurait éprouvé un tendre sentiment pour son petit cousin Antoine Poignan qui n’avait pas alors vingt ans ; des parents barbares auraient donné la main de Marie au fils du maître des eaux et