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gauche, ou droit devant lui. Je le suivais à quelque distance et prêt à lui donner mon fusil s’il venait à décharger le sien. Depuis un quart d’heure, nous étions à la recherche du gibier et rien ne paraissait, ni quadrupèdes, ni oiseaux, quoique nos yeux explorassent tout ce qui était à leur portée. L’Empereur, déjà fatigué d’être sur ses pieds et ennuyé de ne rien rencontrer, restait près d’un arbre pour attendre le passage de quelque pièce ; ensuite il faisait encore quelques pas et se remettait de nouveau à l’affût. De temps à autre, il prenait sa lorgnette pour regarder çà et là, et pas le plus chétif animal ne se laissa voir. Il semblait qu’à notre approche les hôtes de ces lieux eussent déserté. Enfin, parvenu jusqu’aux derniers arbres qui bordaient le plateau, il prit de nouveau sa lorgnette pour examiner les rochers qui étaient à nos pieds, la mer qui reflétait les brillants rayons du soleil, et l’île de Corse, qui apparaissait comme une immense roche grisâtre. Ennuyé, dégoûté de ne pouvoir tirer un coup de fusil, il me dit : « Qu’il y a loin de cette chasse-ci à celles que je faisais à Versailles, à Saint-Germain, à Fontainebleau, où je tuais tant de pièces de gibier ! Je vois que nous ne ferons rien ici. Va ; allons-nous en. » Nous reprîmes tranquillement le chemin par lequel nous étions venus et nous regagnâmes la Madone. Il se fit servir son déjeuner.

Il y avait déjà environ une semaine que nous étions à la Madone, lorsqu’on apprit que des personnes dont on ne savait pas les noms devaient venir voir l’Empereur. J’avais, je crois, entendu prononcer le nom de Mme Walewska. Des ordres presque secrets furent donnés pour que les chambres du presbytère fussent mises en état et que la cuisine tint quelque chose de prêt. Après son diner et le soleil couché, l’Empereur parut à cheval, accompagné de quelques personnes, se dirigeant du côté de la Marine de Murciane et allant à la rencontre des attendus. Un peu tard, il revint à la Madone, non seulement suivi de ceux avec lesquels il était parti, mais encore de deux dames et d’un jeune garçon d’une dizaine d’années. C’était Mme Walewska, son fils et la sœur de la dame.

L’Empereur fit entrer les nouveaux venus dans sa tente. On s’empressa de leur servir à souper. Comme c’était un petit repas sans façon, ce fut Sa Majesté qui découpa les viandes et servit, donnant à l’une de ces dames une chose et à l’autre une autre. Le jeune garçon lui aussi était à table. Pendant tout le temps