de ressusciter la production agonisante, Lénine a répudié récemment la doctrine de la nationalisation intégrale et qu’il a cherché à calmer par une multitude de concessions le mécontentement des paysans. Il a partiellement rétabli le capitalisme, il a restauré les échanges commerciaux intérieurs, il a déclaré qu’il fallait soutenir les petites et moyennes entreprises, appartenant tant à des particuliers qu’à des coopératives. L’Allemagne surveille attentivement cette évolution. Au lendemain de la conférence de Spa, le docteur Simons vantait déjà « le travail énorme qui s’accomplissait dans la république des Soviets. » Les hommes politiques, les industriels, les financiers sont entrés en relations avec les agents des Bolchévistes, et finalement, au mois de mai dernier, a été signé un accord commercial germano-russe, dont la Berliner Borsen Zeitung du 15 mai disait qu’il avait une importance au moins égale à l’acceptation de l’ultimatum des Alliés. En fait, depuis deux mois, l’activité allemande s’est de plus en plus tournée du côté de la Russie, et, si ce spectacle nous laisse indifférents, il intéresse beaucoup les Anglais. Ils n’y assistent pas les bras croisés. Ils agissent à leur tour. A lire certains articles du Berliner Tagblatt ou de la Freiheit, on est même porté à supposer que certains pourparlers sont engagés entre l’Angleterre et l’Allemagne en vue d’établir un accord économique pour l’exploitation de la Russie.
Krassine paraît être un des artisans les plus subtils de cette collaboration. Deux fois, il s’est arrêté à Berlin, cette année, en allant à Londres, et il a pris contact avec le groupe Hugo Stinnes, avec M. Félix Deutsch, avec M. Rathenau, avec beaucoup d’autres. Les Américains eux-mêmes, qui jusqu’ici avaient été, comme nous, réfractaires à toutes ces conversations, ne se désintéressent plus du travail commencé. Le chef de leur mission à Berlin, M. Dresel, est allé ces jours-ci conférer avec le gouvernement anglais. Bref, il semble se préparer entre l’Angleterre, l’Allemagne et même peut-être les États-Unis un consortium international, destiné à favoriser la reconstruction économique de la Russie. Ni l’Angleterre, ni les États-Unis, ni même l’Allemagne, ne désirent, d’ailleurs, nous tenir à l’écart de ce syndicat et tous, au contraire, nous donnent à entendre que la première condition de cet accord serait la reconnaissance de la créance française. La Grande-Bretagne veut régler cette immense affaire avec une grande célérité. Elle y voit un moyen de mettre fin à la détresse générale, en empêchant que certains pays n’étouffent par pléthore de matières premières, tandis que d’autres