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Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 64.djvu/721

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premiers, à opposer les intérêts, à désagréger ce qui tient encore et à détruire tout ce qui la gêne. Elle a déjà failli se glisser, il y a quelques semaines, dans le Comité parlementaire international. Sans la fermeté de nos amis belges, et en particulier de M. Digneffe, sénateur de Liège, elle aurait peut-être réussi dans son entreprise. Tout son plan consiste évidemment à se faire pardonner son agression et les méfaits de ses armées avant d’avoir livré ou condamné les auteurs des incendies, des pillages ou des meurtres, avant d’avoir même intégralement payé le premier des cent trente-deux milliards dont elle s’est reconnue débitrice, avant d’avoir réparé une seule des maisons qu’elle a détruites, avant d’avoir rendu aux Polonais ce qui appartient aux Polonais. Elle se dit qu’une fois dans la place, elle en deviendra rapidement maîtresse. N’ayant pas réussi à régner par la violence, elle essaie de régner par l’hypocrisie. Deutschland über alles ! La Société des Nations est-elle pressée d’entendre chanter dans ses assemblées le refrain de Hoffmann von Fallersleben ? Je reste convaincu, pour ma part, qu’elle préférera attendre un peu ce divertissement musical et qu’elle voudra, tout d’abord, regarder d’un peu près la patte blanche que l’Allemagne se flatte de lui présenter.

Pour l’instant, la Société des Nations s’est bornée à examiner la question du désarmement, ce qui a fourni à M. Viviani l’occasion de développer, en termes splendides, les idées les plus nobles, et ce qui a permis à M. Jouhaux de renouveler les vœux les plus légitimes en faveur de la paix générale. Mais nous pouvons être assurés que, dirigée par MM. Léon Bourgeois, Viviani et Hanotaux, la délégation française à la Société des Nations ne donnera son adhésion à un programme universel de désarmement qu’après avoir, d’une part, constaté le désarmement préalable de l’Allemagne et après s’être, d’autre part, procuré les moyens d’empêcher, dans le Reich, la reconstitution des groupements militaires déguisés et la reprise des fabrications de guerre. D’après le traité de Versailles, le jour où les Commissions interalliées auront quitté l’Allemagne, c’est à la Société des Nations qu’incombera le soin de surveiller ce qui se passera de l’autre côté du Rhin ; et, sans doute, l’Allemagne est obligée de se prêter à toutes les investigations qui seront jugées nécessaires. Mais la Société n’a, en l’état actuel, aucun organe permanent de contrôle. Avant de demander à la France et à la Belgique de désarmer elles-mêmes, elle cherchera certainement à se mettre en mesure de leur donner une sécurité permanente et de leur offrir des garanties.