Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 64.djvu/895

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a dit, aux applaudissements frénétiques de l’auditoire : « La France est profondément pacifique, mais, sur mer comme sur terre, elle entend garantir sa sécurité et se refuse à devenir la vassale d’aucun autre peuple. » M. Guist’hau, après avoir magnifiquement retracé le rôle essentiel joué pendant la guerre par notre flotte, a déclaré : « Ce rôle n’est pas fini. Aujourd’hui comme hier, il faut défendre la paix contre la guerre ; il ne faut pas affaiblir nos forces navales. Nous devons assurer la sécurité de nos côtes et de nos colonies. Cela nécessite un effort de réorganisation qui est déjà commencé. » Quant à M. Alexandre Millerand, il a défini en termes d’une vigueur remarquable les nécessités de notre politique maritime : « Les hommes d’État dont s’enorgueillit notre pays, a-t-il dit, les Richelieu et les Colbert, ont mis au premier rang de leurs préoccupations l’existence d’une puissante marine sans laquelle on ne peut ni soutenir la guerre, ni profiter de la paix. L’histoire de notre pays illustre avec une éblouissante clarté la vérité de cet axiome ; » et le Président de la République, passant au sujet le plus important, a fait observer : « Ce n’est pas tout que d’avoir équipages et cadres, il faut les doter de navires au niveau des progrès de cet art naval qui en a accompli, en si peu de temps, de si prodigieux. Pour arrêter un programme naval, il importe de considérer, avec les besoins de notre politique, les ressources de nos finances et la puissance productive de nos arsenaux et de notre industrie privée. » Où en est donc ce programme naval dont a parlé M. Millerand ? Comment expliquer que, depuis trois années que la guerre est finie, il n’ait point encore été commencé ? Comment justifier surtout des demandes de crédit qui se montent cette année à près d’un milliard, si nous n’entreprenons aucune construction neuve ?

Après bien des hésitations, l’État-major général s’était arrêté à un plan de constitution d’unités légères. Il avait été déposé dès le début de l’année 1920 par M. Leygues, et complété ensuite par MM. Landry et Guist’hau. Comme le Parlement tardait à le voter, on avait inscrit 90 millions de crédits au budget de 1921, pour l’amorce des travaux. Le Sénat a cru devoir disjoindre du vote du budget ces crédits spéciaux, sous prétexte qu’une décision sur l’ensemble était indispensable. Ce premier retard a été accentué ensuite par l’opposition qui a été faite au programme naval par le parti socialiste, dont les con-