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courage de tarir toutes les sources de dépenses superflues de ses services à terre.

Ces idées commencent à se faire jour dans la presse, au sein du Gouvernement et au Parlement. Notre État-major général et nos ministres sont résolus à pratiquer l’opération chirurgicale nécessaire pour débarrasser la marine de ses membres gangrenés. M. Landry avait décidé la suppression de Rochefort et de Lorient. M. Guist’hau, devant les résistances incroyables qu’il a rencontrées pour faire passer cette mesure dans le domaine de la pratique, a nommé une commission présidée par M. de Lasteyrie. On connaît l’énergie financière de l’éminent rapporteur général du budget : nous sommes persuadé qu’il n’hésitera pas à proposer les mesures radicales qui s’imposent. Il semble donc que le glas des arsenaux commence à tinter.

Au Parlement, notamment dans les Commissions des finances, il existe des esprits résolus, qui se rendent compte que le salut de la marine dépend de la réforme que nous venons de préconiser. Lors de la discussion du programme naval, M. Ancel, député de la Seine-Inférieure, a prononcé un réquisitoire sévère contre les arsenaux, qu’il a qualifiés de « gouffre sans fond. » « C’est assez, a-t-il dit, qu’ils coûtent fort cher aux contribuables. Qu’ils ne viennent pas encore, par une concurrence truquée, affaiblir et peut-être ruiner l’industrie des constructions navales en France. » Malgré une demande de scrutin public, une résolution contraire à l’intervention de M. Ancel a été repoussée par 366 voix contre 150, celles du parti socialiste et des députés des ports. Au Sénat enfin, la Commission des finances n’a accepté la mise en chantier des navires dont nous avons parlé au début de cette étude que sous réserve de les répartir entre trois arsenaux seulement, ce qui entraîne la condamnation des deux autres. Le rapporteur, M. Lemery, a exposé d’une façon lumineuse que le Sénat voterait le programme naval, « non pour donner du travail aux arsenaux, mais parce qu’il est nécessaire à la puissance navale de la France. » Il a laissé entendre qu’il serait possible de récupérer une grande partie des constructions neuves par des économies réalisées sur les dépenses des services à terre. Il est bien évident que la nécessité de ces réformes, quelque pressantes qu’elles