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J’ai été amené, au cours de mon enquête, à faire d’autres observations. J’ai cherché, par exemple, à savoir si le retour de l’Empereur était envisagé, si Guillaume II avait chance de remonter sur le trône et de retrouver la situation qu’il a perdue. J’ai recueilli des réponses très embarrassées. Beaucoup d’Allemands conservent manifestement quelque sympathie pour le souverain déchu ; ils avaient une si profonde affection pour son grand-père ! Ils éprouvent aussi un sentiment de reconnaissance à l’égard des Hohenzollern. Le souvenir de Frédéric II, surtout, n’est pas effacé dans les esprits et nous ne devons pas oublier que Guillaume II a été acclamé au cours du procès de Leipzig.

Je ne crois pas cependant qu’il ait chance de revenir. Sa chute a été piteuse et le kronprinz n’est pas aimé. Mais si, de quelqu’une des dynasties tombées, surgissait un homme de valeur, je suis convaincu qu’il pourrait aisément restaurer l’Empire ; le terrain est préparé : l’Allemagne cherche un homme. « L’Allemand, disait un jour M. Ernest Lavisse, a le regard hiérarchique. » J’ai été frappé, au cours de mes derniers voyages, de voir à quel point la discipline, qui s’était affaiblie pendant les premiers mois qui ont suivi la guerre, a reparu ; on était habitué, dans toutes les classes de la société, à recevoir d’ « en haut » les impulsions dont on avait besoin. L’Allemand cherche d’instinct ceux qui représentent l’autorité ; il est plein de respect pour les puissants et les forts. C’est pourquoi il admire tant ces capitaines d’industrie qui lui apparaissent comme les plus capables, dans le désarroi actuel, d’aider l’Allemagne à se remettre en selle et à retrouver la situation qu’elle a perdue.


En comparant l’Allemagne actuelle à l’Allemagne d’avant-guerre, on a, en dernière analyse, le sentiment qu’on est en présence de profonds changements : « L’Allemagne, écrivait naguère Théodor Wolff, est comme une mer agitée, couverte d’épaves. » Cette observation est exacte. La machine impériale est détraquée, mais on la répare ; on cherche en même temps à voir comment on pourra en utiliser les débris. Les difficultés présentes ne doivent pas nous faire conclure que l’Allemagne