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que le favori de Metternich rencontra toute jeune aux Funambules « où la gracieuse enfant montrait ingénument ses jolies jambes, et, vêtue en génie des Mille et une Nuits, la torche d’Éros à la maintenait chaque soir devant un soleil tournant, et le jet d’eau classique, présider aux noces d’Arlequin et de Colombine. » Plus loin, c’est un autre original, le « prince Wittgenstein, courtisan de l’ancienne école, dernier exemplaire d’une espèce heureusement disparue. Froid, imperturbable au dehors, plein de fiel et de haine au dedans, il savait, le sourire aux lèvres, lancer au nez des gens de ces impertinences qui font, au dire de Shakspeare, que l’honneur leur tombe de la bouche comme une dent gâtée. Le feu Roi, lorsqu’il voulait se débarrasser d’un importun, le livrait d’ordinaire au prince, qui vous l’exécutait de main de maître. Ce qu’il possédait de secrets et d’anecdotes scandaleuses ne se pouvait calculer, et faire sa partie était un honneur qu’on se disputait entre diplomates, quitte à se laisser toujours gagner. De là des scènes d’un comique étourdissant, d’impayables tableaux de genre, dignes d’avoir leur place dans le cabinet d’un amateur de curiosités historiques[1]. »

Henri Blaze signa, je l’ai dit, à la Revue sa première œuvre, un acte en vers, d’un pseudonyme : Hans Werner ; il était trop jeune pour se faire connaître ; qu’auraient pensé les abonnés de la Revue, en apprenant que ce poète avait vingt et un ans ? Les pseudonymes servent à cacher un trop grand nom, ou une personnalité si mince, qu’elle n’apporte aucune gloire à un recueil. Qui donc connaissait ce petit poète-là ? Assez rapidement il leva le masque, en s’essayant à la critique musicale. Il commença par Beethoven, avec une audace toute juvénile. Fils de musicien, très sensible à l’art musical, il ne fut jamais lui-même un exécutant comme son père. De 1833 à 1873, il rédigea la chronique musicale à la Revue (un des premiers il y signala Berlioz) et quoiqu’il se destinât à la diplomatie.

Il y débuta fort jeune, avec Alexis de Saint-Priest, comme attaché d’ambassade à Copenhague, et c’est de là que M. de la Rochefoucauld l’emmena à Weimar. En 1848, Lamartine nomma Henri Blaze de Bury « ministre de Hesse-Darmstadt, » mais je n’ai jamais vu qu’il ait rempli effectivement ces fonctions. Sous

  1. Les Salons de Vienne et de Berlin.